Ce jeudi 18 mai de l'an 30, le jour du départ du Maitre, il était près de midi quand les apôtres remontèrent auprès de leurs compagnons dans la salle du haut et annoncèrent que Matthias avait été choisi comme nouvel apôtre. Ensuite, Pierre invita tous les croyants à se mettre en prière, et à prier en vue d'être prêts à recevoir le don de l'esprit que le Maitre avait promis d'envoyer.
Vers une heure de l'après-midi, tandis que les cent-vingt croyants étaient en prière, ils se rendirent tous compte d'une étrange présence dans la salle. En même temps, tous ces disciples devinrent conscients d'un sentiment nouveau et profond de joie, de sécurité et de confiance spirituelles. Cette nouvelle conscience de force spirituelle fut immédiatement suivie d'une puissante impulsion à sortir pour proclamer publiquement l'évangile du royaume et la bonne nouvelle que Jésus était ressuscité d'entre les morts.
Pierre se leva et déclara que ce devait être la venue de l'Esprit de Vérité que le Maitre leur avait promis. Il leur proposa d'aller au temple commencer à proclamer la bonne nouvelle confiée à leurs soins, et tous firent ce que Pierre avait suggéré.
L'éducation de ces êtres humains leur avait bien appris que l'évangile qu'ils devaient prêcher était la paternité de Dieu et la filiation des êtres humains, mais, à ce moment précis d'extase spirituelle et de triomphe personnel, la meilleure et la plus grande nouvelle à laquelle ils pouvaient penser était le fait que le Maitre était ressuscité. Doués d'un pouvoir d'en haut, ils allèrent donc prêcher l'heureuse nouvelle au peuple – le salut par Jésus – mais ils tombèrent involontairement dans l'erreur de substituer au message même de l'évangile certains faits associés à l'évangile. Pierre prit inconsciemment l'initiative de cette erreur, et d'autres le suivirent, jusqu'à Paul, qui créa une nouvelle religion fondée sur cette nouvelle version de la bonne nouvelle.
L'évangile du royaume est : le fait de la paternité de Dieu associé à la vérité qui en découle de la fraternité des êtres humains basée sur cette filiation. Le christianisme, tel qu'il s'est développé depuis ce jour, est : le fait de Dieu en tant que Père du Seigneur Jésus-Christ, associé à l'expérience de communion du croyant avec le Christ ressuscité et glorifié.
Il n'est pas étonnant que ces êtres humains imprégnés d'esprit aient saisi cette occasion d'exprimer leur sentiment de triomphe sur les forces qui avaient cherché à détruire leur Maitre et à mettre fin à l'influence de son enseignement. En un pareil moment, il leur était plus facile de se rappeler leur association personnelle avec Jésus et d'être passionnés par l'assurance que le Maitre vivait encore, que leur amitié avec lui n'avait pas pris fin et que l'esprit était vraiment venu sur eux précisément comme il le leur avait promis.
Ces croyants se sentirent soudainement transportés dans un autre monde, dans une nouvelle existence de joie, de puissance et de gloire. Le Maitre leur avait dit que le royaume viendrait avec puissance, et certains d'entre eux crurent commencer à discerner ce qu'il avait voulu dire.
Quand tout ceci est pris en considération, il est facile de comprendre comment ces êtres humains en arrivèrent à prêcher un nouvel évangile à propos de Jésus à la place de leur message initial de la paternité de Dieu et de la fraternité des êtres humains.
Les apôtres s'étaient cachés pendant quarante jours. Ce jour se trouvait être la fête juive de la Pentecôte, et des milliers de visiteurs de toutes les parties du monde séjournaient à Jérusalem. Bon nombre d'entre eux étaient arrivés pour cette fête, mais la majorité était restée dans la ville depuis la Pâque. Maintenant, ces apôtres effrayés réapparaissaient après leurs semaines de réclusion pour se montrer audacieusement dans le temple et commencer à y prêcher le nouveau message d'un Messie ressuscité. Et tous les disciples étaient également conscients d'avoir reçu un nouveau don spirituel de clairvoyance et de pouvoir.
Il était environ deux heures de l'après-midi lorsque, à l'endroit même où son Maitre avait enseigné pour la dernière fois dans le temple, Pierre se leva et prononça l'appel passionné qui aboutit à gagner près de deux-mille âmes. Le Maitre était parti, mais les apôtres découvrirent subitement que ce récit le concernant avait un grand pouvoir sur le peuple. Il est bien naturel qu'ils aient continué à proclamer ce qui justifiait leur ancienne dévotion à Jésus et, en même temps, contraignait les êtres humains à croire en lui. Six apôtres participèrent à cette réunion : Pierre, André, Jacques, Jean, Philippe et Matthieu. Ils parlèrent pendant plus d'une heure et demie et exprimèrent leurs messages en grec, en hébreu et en araméen; ils prononcèrent même quelques paroles en d'autres langues dont ils avaient quelque notion.
Les chefs des Juifs furent stupéfaits de l'audace des apôtres, mais craignirent de les molester à cause du grand nombre de gens qui croyaient à leur récit.
Vers quatre heures et demie, plus de deux-mille nouveaux croyants descendirent avec les apôtres à la piscine de Siloé où Pierre, André, Jacques et Jean les baptisèrent au nom du Maitre. Il faisait nuit quand ils eurent achevé de baptiser cette multitude.
La Pentecôte était la grande fête du baptême où l'on admettait à la communauté des prosélytes du dehors, les Gentils qui désiraient servir Yahweh. Il était donc d'autant plus facile à un grand nombre de Juifs et de Gentils croyants de se faire baptiser ce jour-là. Ce faisant, ils ne rompaient en aucune manière avec la foi juive. Les croyants en Jésus formèrent même, pendant quelque temps, une secte interne du judaïsme. Tous, y compris les apôtres, restaient fidèles aux exigences essentielles du système cérémoniel juif.
Jésus vécut et enseigna sur Terre un évangile qui dégagea l'être humain de la superstition qu'il était un enfant du diable et l'éleva à la dignité de fils ou de fille de Dieu par la foi. Ce message de Jésus, tel qu'il le prêcha et le vécut en son temps, résolvait efficacement les difficultés spirituelles de l'être humain à l'époque où il fut énoncé. Et maintenant que le Maitre a personnellement quitté ce monde, il envoie à sa place l'Esprit de Vérité destiné à vivre dans l'être humain et à reformuler le message de Jésus pour chaque nouvelle génération. Ainsi, chaque nouveau groupe de mortels apparaissant à la surface de la Terre aura une nouvelle version mise à jour de l'évangile; une illumination personnelle et une gouverne collective telle qu'elle se révèlera être pour l'être humain une solution efficace de ses difficultés spirituelles toujours nouvelles et variées.
Bien entendu, la première mission de cet esprit consiste à entretenir et à personnaliser la vérité, car c'est la compréhension de la vérité qui constitue la forme la plus élevée de la liberté humaine. Ensuite, cet esprit a pour dessein de détruire chez le croyant le sentiment d'être orphelin. Jésus ayant vécu parmi les êtres humains, tous les croyants éprouveraient un sentiment de solitude si l'Esprit de Vérité n'était pas venu habiter dans les coeurs humains.
L'effusion de l'esprit du Fils prépara efficacement le mental de tous les êtres humains normaux à l'effusion universelle subséquente de l'esprit du Père (l'Ajusteur) sur toute l'humanité. Dans un certain sens, l'Esprit de Vérité est à la fois l'esprit du Père Universel et celui du Fils Créateur.
Ne commettons pas l'erreur de compter acquérir la ferme conscience intellectuelle de l'Esprit de Vérité désormais répandu. L'esprit ne crée jamais une conscience de lui-même, mais seulement une conscience de Michael, le Fils. Dès le commencement, Jésus enseigna que l'esprit ne parlerait pas de lui-même. La preuve de notre communion avec l'Esprit de Vérité ne se trouve donc pas dans notre conscience de cet esprit, mais plutôt dans notre expérience d'une communion accrue avec Michael.
L'esprit vint aussi pour aider les êtres humains à se rappeler et à comprendre les paroles du Maitre, ainsi qu'à éclairer et réinterpréter sa vie sur Terre.
Ensuite, l'Esprit de Vérité vint aider les croyants à témoigner des réalités des enseignements et de la vie de Jésus telle qu'il la vécut dans la chair, et telle qu'il la vit maintenant à nouveau dans chaque croyant des générations successives de fils et de filles de Dieu imprégnés de l'esprit.
Il apparaît ainsi que l'Esprit de Vérité vient réellement pour conduire tous les croyants dans toute la vérité, pour les faire accéder à la connaissance grandissante de la conscience spirituelle vivante et croissante de la réalité de la filiation éternelle et ascendante avec Dieu.
Jésus vécut une vie qui est une révélation de l'être humain soumis à la volonté du Père, et non un exemple que chacun doit essayer de suivre à la lettre. Sa vie dans la chair ainsi que sa mort sur la croix et sa résurrection ultérieure devinrent bientôt un nouvel évangile de la rançon ainsi payée pour racheter l'être humain de l'emprise du malin – de la condamnation d'un Dieu offensé. Malgré tout, bien que l'évangile ait été ainsi très déformé, le fait subsiste que ce nouveau message à propos de Jésus comportait bien des vérités et des enseignements fondamentaux de son évangile initial du royaume. Tôt ou tard, ces vérités passées sous silence de la paternité de Dieu et de la fraternité des êtres humains émergeront pour transformer efficacement la civilisation de toute l'humanité.
Mais ces erreurs intellectuelles n'interfèrent en aucune manière avec les grands progrès des croyants en croissance d'esprit. En moins d'un mois après l'effusion de l'Esprit de Vérité, les apôtres firent individuellement plus de progrès spirituels que durant leurs quatre années, ou presque, d'association personnelle et affectueuse avec le Maitre. Cette substitution du fait de la résurrection de Jésus à la vérité de l'évangile sauveur de la filiation avec Dieu n'empêcha pas non plus, en quoi que ce soit, la diffusion rapide de leurs enseignements; au contraire, le fait que le message de Jésus ait été apporté sous l'égide des nouveaux enseignements sur sa personne et sa résurrection parut faciliter grandement la prédication de la bonne nouvelle.
L'expression “ baptême d'esprit ”, qui fut si généralement employée vers cette époque, signifiait simplement la réception consciente de ce don de l'Esprit de Vérité et la récognition personnelle de ce nouveau pouvoir spirituel comme un accroissement de toutes les influences spirituelles précédemment ressenties par les âmes connaissant Dieu.
Depuis l'effusion de l'Esprit de Vérité, l'être humain est sujet à l'enseignement et à la gouverne d'une triple dotation spirituelle : l'Esprit du Père (l'Ajusteur de Pensée), l'esprit du Fils (l'Esprit de Vérité) et l'esprit de l'Esprit (le Saint-Esprit).
Dans un sens, l'humanité est sujette à la double influence du septuple appel des influences spirituelles universelles. Les races primitives évolutionnaires de mortels subissent le contact progressif des sept esprits-mentaux adjuvats de l'Esprit-Mère de l'univers local. Ensuite, à mesure que l'être humain progresse en s'élevant sur l'échelle de l'intelligence et de la perception spirituelle, sept influences supérieures d'esprit viennent en fin de compte planer au-dessus de lui et habiter en lui. Voici ces sept esprits des mondes en progrès :L'esprit effusé du Père Universel – l'Ajusteur de Pensée.
La présence en esprit du Fils Éternel – la gravité d'esprit de l'univers des univers et le chenal certain de toute communion spirituelle.
La présence en esprit de l'Esprit Infini – le mental-esprit universel de toute la Création, la source spirituelle de la parenté intellectuelle de toutes les intelligences progressives.
L'esprit du Père Universel et du Fils Créateur – l'Esprit de Vérité, généralement considéré comme l'esprit du Fils de l'Univers.
L'esprit de l'Esprit Infini et de l'Esprit-Mère de l'Univers – le Saint-Esprit, généralement considéré comme l'esprit de l'Esprit de l'Univers.
Le mental-esprit de l'Esprit-Mère de l'Univers – les sept esprits-mentaux adjuvats de l'univers local.
L'esprit du Père, des Fils et des Esprits – l'esprit au nouveau nom des mortels ascendeurs des royaumes après la fusion de l'âme humaine née d'esprit avec l'Ajusteur de Pensée du Paradis, et après que ces ascendeurs auront atteint ultérieurement la divinité et la glorification du statut du Corps Paradisiaque de la Finalité.
C'est ainsi que l'effusion de l'Esprit de Vérité apporta au monde et à ses peuples la dernière dotation d'esprit destinée à les aider dans la recherche ascendante de Dieu.
Beaucoup d'enseignements bizarres et étranges furent associés aux récits initiaux du jour de la Pentecôte. Dans les temps qui suivirent les évènements de ce jour, où l'Esprit de Vérité, le nouvel instructeur, vint habiter parmi les êtres humains, ont été confondus avec les stupides débordements d'un sentimentalisme exacerbé. La principale mission de cet esprit, répandu par le Père et le Fils, consiste à enseigner aux êtres humains les vérités sur l'amour du Père et la miséricorde du Fils. Ce sont là les vérités de divinité que les êtres humains peuvent comprendre plus complètement que tous les autres traits de caractère divin. L'Esprit de Vérité cherche en premier lieu à révéler la nature spirituelle du Père et le caractère moral du Fils. Le Fils Créateur, dans la chair, a révélé Dieu aux êtres humains; l'Esprit de Vérité, dans le coeur, révèle le Fils Créateur aux êtres humains. Quand un être humain produit dans sa vie les “ fruits de l'esprit ”, il exprime simplement les traits de caractère que le Maitre a manifestés dans sa propre vie terrestre. Quand Jésus était sur Terre, il a vécu sa vie comme une personnalité indivise – Jésus de Nazareth. En tant qu'esprit intérieur du “ nouvel instructeur ”, depuis la Pentecôte, le Maitre a pu vivre sa vie à nouveau dans l'expérience de tout croyant instruit de la vérité.
Bien des évènements qui surviennent au cours d'une vie humaine sont difficiles à comprendre et à concilier avec l'idée que nous habitons un univers dans lequel la vérité prévaut et la droiture triomphe. Il apparaît trop souvent que la calomnie, le mensonge, la malhonnêteté et l'injustice – le péché – ont le dessus. Après tout, la foi triomphe-t-elle du mal, du péché et de l'iniquité ? La réponse est affirmative; la vie et la mort de Jésus sont la preuve éternelle que la vérité de la bonté et la foi des créatures dirigées par l'esprit seront toujours justifiées. Des spectateurs se gaussèrent de Jésus sur la croix en disant : “ Voyons si Dieu va venir le délivrer. ” Le jour de la crucifixion parut sombre, mais le matin de la résurrection fut glorieusement clair, et le jour de la Pentecôte fut encore plus brillant et joyeux. Les religions de désespoir pessimiste cherchent à se libérer des fardeaux de la vie; elles souhaitent ardemment l'anéantissement dans un sommeil et un repos sans fin. Ce sont les religions de la peur et de la crainte primitives. La religion de Jésus est un nouvel évangile de foi à proclamer à l'humanité qui se débat. Cette religion nouvelle est fondée sur la foi, l'espérance et l'amour.
La vie de mortel avait porté à Jésus ses coups les plus durs, les plus cruels et les plus sévères; et cet être humain avait fait face à ces situations désespérantes avec foi et courage, et avec la détermination inébranlable de faire la volonté de son Père. Jésus affronta la vie dans toute sa terrible réalité, et la maitrisa – même jusque dans la mort. Il ne se servit pas de la religion pour se libérer de la vie. La religion de Jésus ne cherche pas à échapper à cette vie pour jouir d'une félicité qui vous attend dans une autre existence. La religion de Jésus procure la joie et la paix d'une nouvelle existence spirituelle qui rehausse et ennoblit la vie que les êtres humains vivent actuellement dans la chair.
Si une religion est un opium pour le peuple, elle n'est pas la religion de Jésus. Sur la croix, il refusa de boire le narcotique. Son esprit, répandu sur toute chair, est une puissante influence mondiale qui élève l'être humain et le pousse à progresser. L'impulsion vers le progrès spirituel est la force motrice la plus puissante présente dans le monde. Les croyants qui apprennent la vérité sont les seules âmes progressives et dynamiques sur Terre.
Le jour de la Pentecôte, la religion de Jésus rompit toutes les restrictions nationales et entraves raciales. Il est éternellement vrai que “ là où se trouve l'esprit du Seigneur, là est la liberté ”. Ce jour-là, l'Esprit de Vérité devint le don personnel du Maitre à chaque mortel. Cet esprit fut effusé afin de qualifier les croyants pour prêcher plus efficacement l'évangile du royaume, mais ils commirent l'erreur de prendre l'expérience de recevoir l'esprit ainsi répandu pour une partie du nouvel évangile qu'inconsciemment ils formulaient.
Tenez compte du fait que l'Esprit de Vérité fut effusé sur tous les croyants sincères, et que les apôtres ne furent pas les seuls bénéficiaires de ce don de l'esprit. Les cent-vingt hommes et femmes assemblés dans la salle du haut reçurent tous le nouvel instructeur, aussi bien que tous les coeurs honnêtes du monde entier. Ce nouvel instructeur fut effusé sur l'humanité, et chaque âme le reçut selon son propre amour de la vérité et sa propre aptitude à saisir et à comprendre les réalités spirituelles. Enfin, la vraie religion est libérée de l'emprise des prêtres et de toutes les classes sacrées, et trouve sa manifestation réelle dans l'âme individuelle des êtres humains.
La religion de Jésus encourage le type le plus élevé de civilisation humaine, en ce sens qu'elle crée le type le plus élevé de personnalité spirituelle et proclame le caractère sacré de cette personne.
La venue de l'Esprit de Vérité à la Pentecôte rendit possible une religion qui n'est ni radicale ni conservatrice; elle n'est ni l'ancienne, ni la nouvelle; elle ne doit être dominée ni par les vieux ni par les jeunes. Le fait de la vie terrestre de Jésus fournit un point d'appui pour l'ancre du temps, tandis que l'effusion de l'Esprit de Vérité assure l'expansion perpétuelle et la croissance indéfinie de la religion que Jésus a vécue et de l'évangile qu'il a proclamé. L'esprit guide dans toute la vérité. Il enseigne l'expansion et la croissance constantes d'une religion de progrès sans fin et de révélation divine. Ce nouvel instructeur dévoilera perpétuellement aux croyants cherchant la vérité ce qui était si divinement contenu dans la personne et la nature du Fils de l'Homme.
Les manifestations associées à l'effusion du “ nouvel instructeur ” et l'accueil fait aux sermons des apôtres par les êtres humains des diverses races et nations, réunis à Jérusalem, dénotent l'universalité de la religion de Jésus. L'évangile du royaume ne devait être identifié avec aucune race, culture ou langue particulière. Le jour de la Pentecôte marqua le grand effort de l'esprit pour libérer la religion de Jésus des entraves juives dont elle avait hérité. Même après cette démonstration où l'esprit fut répandu sur toute chair, les apôtres s'efforcèrent d'abord d'imposer à tous leurs convertis les exigences du judaïsme. Paul lui-même eut des difficultés avec ses frères de Jérusalem parce qu'il refusait de soumettre les Gentils à ces pratiques juives. Nulle religion révélée ne peut se répandre dans le monde entier si elle commet la grave erreur de se laisser imprégner par une culture nationale, ou associer à des pratiques raciales, économiques ou sociales déjà établies.
L'effusion de l'Esprit de Vérité fut indépendante de toute forme, cérémonie, lieu sacré et comportement spécial de ceux qui reçurent la plénitude de sa manifestation. Au moment où l'esprit vint sur les personnes assemblées dans la salle du haut, elles étaient simplement assises là et venaient de se plonger dans une prière silencieuse. L'esprit fut effusé à la campagne aussi bien qu'à la ville. Il n'était pas nécessaire pour les apôtres de se retirer dans la solitude pendant des années de méditation solitaire afin de recevoir l'esprit. La pentecôte dissocie à jamais l'idée d'expérience spirituelle de la notion d'un environnement spécialement favorable.
La Pentecôte, avec sa dotation spirituelle, était destinée à détacher pour toujours la religion du Maitre de toute subordination à la force physique. Les éducateurs de cette nouvelle religion sont désormais munis d'armes spirituelles; ils doivent partir à la conquête du monde avec une indulgence qui ne se dément jamais, une bonne volonté incomparable et un amour abondant. Ils sont équipés pour triompher du mal par le bien, pour vaincre la haine par l'amour, pour anéantir la peur avec une foi vivante et courageuse dans la vérité. Jésus avait déjà enseigné à ceux qui le suivaient que sa religion n'était jamais passive; ses disciples devaient toujours être actifs et positifs dans leur ministère de miséricorde et dans leurs manifestations d'amour. Ces croyants ne regardaient plus Yahweh comme “ le Seigneur des Armées ”. Ils considéraient maintenant la Déité éternelle comme le “ Dieu et Père du Seigneur Jésus-Christ ”. Ils firent au moins ce progrès-là, même si, dans une certaine mesure, ils n'arrivèrent pas à comprendre totalement la vérité que Dieu est aussi le Père spirituel de chaque individu.
La Pentecôte dota l'être humain mortel du pouvoir de pardonner les blessures personnelles, de supporter avec douceur les pires injustices, de rester impassibles en face de dangers effrayants et de défier les maux de la haine et de la colère par des actes intrépides d'amour et de longanimité. Au cours de son histoire, la Terre a subi les ravages de grandes guerres dévastatrices. Tous les participants à ces conflits terribles ont rencontré la défaite. Il n'est resté qu'un seul vainqueur, un seul rescapé de ces luttes acharnées, ayant accru sa renommée – Jésus de Nazareth avec son évangile de triomphe sur le mal par le bien. Le secret d'une meilleure civilisation est inclus dans les enseignements du Maitre sur la fraternité des êtres humains, la bonne volonté de l'amour et de la confiance mutuelle.
Jusqu'à la Pentecôte, la religion n'avait révélé que l'être humain à la recherche de Dieu; depuis la Pentecôte, l'être humain recherche encore Dieu, mais on voit aussi briller sur le monde le spectacle de Dieu recherchant l'être humain et envoyant son esprit demeurer en lui quand il l'a trouvé.
Avant les enseignements de Jésus, qui atteignirent leur apogée à la Pentecôte, les femmes n'étaient que peu ou pas du tout considérées du point de vue spirituel dans les doctrines des anciennes religions. Après la Pentecôte et dans la fraternité du royaume, la femme se trouva devant Dieu sur un pied d'égalité avec l'homme. Parmi les cent-vingt personnes qui reçurent cette visitation spéciale de l'esprit, se trouvaient beaucoup de femmes disciples qui eurent, dans ces bénédictions, une part égale à celle des croyants masculins. Les hommes ne peuvent plus prétendre monopoliser le ministère du service religieux. Les pharisiens pouvaient continuer à remercier Dieu de n'être pas “ nés femmes, lépreux ou Gentils ”, mais, parmi les fidèles de Jésus, les femmes ont été définitivement libérées de toute discrimination religieuse basée sur le sexe. La Pentecôte a effacé toute séparation religieuse fondée sur des distinctions raciales, des différences culturelles, des castes sociales ou des préjugés concernant le sexe. Il n'est pas surprenant que ces croyants à la nouvelle religion se soient écriés : “ Là où se trouve l'esprit du Seigneur, là est la liberté. ”
La mère et un frère de Jésus se trouvaient tous deux parmi les cent-vingt croyants. En tant que membres de ce groupe commun de disciples, ils reçurent également l'esprit répandu. Ils ne reçurent pas de ce don béni une plus grande part que leurs compagnons. Aucun don spécial ne fut conféré aux membres de la famille terrestre de Jésus. La Pentecôte marqua la fin des prêtrises spéciales et de toute croyance à des familles sacrées.
Avant la Pentecôte, les apôtres avaient renoncé à bien des choses pour Jésus. Ils avaient sacrifié leur foyer, leur famille, leurs amis, leurs biens terrestres et leur situation. Lors de la Pentecôte, ils se donnèrent à Dieu, et le Père et le Fils répondirent en se donnant eux-mêmes aux êtres humains – en envoyant leurs esprits vivre dans les êtres humains. Cette expérience consistant à perdre le moi et à trouver l'esprit ne fut pas une expérience émotionnelle; elle fut un acte de reddition intelligente du moi et de consécration sans réserve.
La Pentecôte fut l'appel à l'unité spirituelle parmi les croyants à l'évangile. Quand l'esprit descendit sur les disciples à Jérusalem, la même chose se produisit à Philadelphie, à Alexandrie et en tous les autres lieux où demeuraient des croyants sincères. Il fut littéralement vrai “ qu'il n'y avait qu'un seul coeur et une seule âme parmi la multitude des croyants ”. La religion de Jésus est la plus puissante influence unificatrice que le monde ait jamais connue.
La Pentecôte était destinée à diminuer l'outrecuidance d'individus, de groupes, de nations et de races – cet esprit d'outrecuidance dont la tension croit au point qu'il se déchaine périodiquement en guerres dévastatrices. Seule une approche spirituelle peut unifier l'humanité, et l'Esprit de Vérité est une influence mondiale universelle.
La venue de l'Esprit de Vérité purifie le coeur humain et conduit ses bénéficiaires à formuler un but de vie unifié avec la Volonté de Dieu et le bien-être des êtres humains. L'esprit d'égoïsme matériel a été englouti dans ce nouveau don spirituel d'altruisme. La Pentecôte, à cette époque comme maintenant, signifie que le Jésus historique est devenu le Fils divin d'expérience vivante. Quand la joie de cet esprit répandu est éprouvée consciemment dans la vie humaine, elle est un tonique pour la santé, un stimulant pour le mental et une énergie inépuisable pour l'âme.
Ce n'est pas la prière qui fit descendre l'esprit le jour de la Pentecôte, mais elle contribua beaucoup à déterminer la capacité réceptive qui caractérisa les croyants individuels. La prière n'incite pas le coeur divin à s'effuser libéralement, mais bien souvent la prière creuse des chenaux plus larges et plus profonds par lesquels les dons divins peuvent affluer vers le coeur et l'âme de ceux qui se souviennent ainsi de maintenir, par la prière sincère et la véritable adoration, une communion ininterrompue avec leur Auteur.
Quand les ennemis de Jésus s'emparèrent aussi soudainement de Jésus et le crucifièrent si rapidement entre deux voleurs, ses apôtres et ses disciples furent complètement démoralisés. La pensée que le Maitre avait été arrêté, lié, flagellé et crucifié était plus que ne pouvaient supporter les apôtres eux-mêmes. Ils oublièrent ses enseignements et ses avertissements. Jésus pouvait bien avoir été “ un prophète puissant en paroles et en oeuvres devant Dieu et tout le peuple ”, mais il ne pouvait guère être le Messie dont ils avaient espéré qu'il restaurerait le royaume d'Israël.
Vient alors la résurrection qui délivre les apôtres du désespoir et rétablit leur foi dans la divinité du Maitre. À maintes reprises, ils le voient et lui parlent, et il les emmène sur le mont des Oliviers où il leur dit adieu et leur annonce qu'il retourne auprès du Père. Il leur a recommandé de demeurer à Jérusalem jusqu'à ce qu'ils soient dotés de pouvoir – jusqu'à ce que vienne l'Esprit de Vérité. Et le jour de la Pentecôte, ce nouvel instructeur arrive, et les apôtres sortent immédiatement pour prêcher leur évangile avec une nouvelle puissance. Ils sont les disciples audacieux et courageux d'un Seigneur vivant, et non d'un chef défunt et vaincu. Le Maitre vit dans le coeur de ces évangélistes. Dieu n'est plus une doctrine dans leur mental; il est devenu une présence vivante dans leur âme.
“ Jour après jour, ils persévéraient d'un commun accord dans le temple et rompaient le pain à la maison. Ils prenaient leur nourriture avec joie et unité de coeur, louant Dieu et ayant la faveur de tout le peuple. Ils étaient tous remplis de l'esprit et proclamaient la parole de Dieu avec audace. Et la foule des croyants n'avait qu'un coeur et qu'une âme; aucun d'eux ne disait que les biens qu'il possédait lui appartenaient en propre, et ils avaient toutes choses en commun. ”
Qu'est-il arrivé à ces êtres humains que Jésus a ordonnés pour aller prêcher l'évangile du royaume, la paternité de Dieu et la fraternité des êtres humains ? Ils ont un nouvel évangile; ils brulent d'une nouvelle expérience; ils sont pleins d'une nouvelle énergie spirituelle. Leur message a soudain changé pour devenir la proclamation du Christ ressuscité : “ Jésus de Nazareth, cet être humain que Dieu approuva par des oeuvres puissantes et des prodiges, qui a été livré conformément au conseil précis et selon la pré-connaissance de Dieu, vous l'avez crucifié et fait périr. Il a ainsi accompli les choses que Dieu avait annoncées longtemps d'avance par la bouche de tous les prophètes. C'est ce Jésus que Dieu a ressuscité. Dieu l'a fait à la fois Seigneur et Christ. Ayant été élevé à la droite de Dieu, et ayant reçu du Père la promesse de l'esprit, il a répandu ce que vous voyez et entendez. Repentez-vous, pour que vos péchés puissent être effacés, pour que le Père puisse envoyer le Christ, qui a été désigné pour vous, Jésus lui-même, que les cieux doivent recevoir jusqu'au jour du rétablissement de toutes choses. ”
L'évangile du royaume, le message de Jésus, venait d'être changé subitement en évangile du Seigneur Jésus-Christ. Les apôtres proclamaient maintenant les faits de sa vie, de sa mort et de sa résurrection, et prêchaient l'espoir qu'il reviendrait rapidement sur ce monde pour achever l'oeuvre qu'il avait commencée. Le message des premiers croyants concernait donc la prédication au sujet des faits de sa première venue et l'enseignement de l'espérance de sa seconde venue, évènement qu'ils estimaient devoir survenir à très bref délai.
Le Christ allait devenir le credo de l'Église qui se formait rapidement : Jésus est vivant; il est mort pour les êtres humains; il a donné l'esprit; il revient. Jésus remplissait toutes les pensées des disciples et déterminait tous leurs nouveaux concepts sur Dieu et sur tout le reste. Ils étaient trop enthousiastes de la nouvelle doctrine où “ Dieu est le Père du Seigneur Jésus ” pour se soucier de l'ancien message où “ Dieu est le Père aimant de tous les êtres humains ”, et même de chaque personne prise individuellement. Il est vrai qu'une merveilleuse manifestation d'amour fraternel et de bonne volonté sans pareille prit naissance dans ces communautés primitives de croyants, mais elles représentaient des communautés de croyants en Jésus, et non une communauté de frères et soeurs dans le royaume familial du Père qui est aux cieux. Leur bonne volonté provenait de l'amour né du concept de l'effusion de Jésus, et non de la récognition de la fraternité des mortels. Néanmoins, leurs membres étaient remplis de joie et vivaient une vie si nouvelle et si exceptionnelle que tous les êtres humains étaient attirés par leurs enseignements au sujet de Jésus. Ils commirent la grande erreur d'utiliser le commentaire vivant et illustré de l'évangile du royaume au lieu de cet évangile lui-même, mais même cela représentait la plus grande religion que l'humanité ait connue jusqu'alors.
De toute évidence, une nouvelle communauté naissait dans le monde. “ La multitude qui croyait persévérait dans la doctrine et la communion des apôtres, rompant le pain et priant. ” Ils s'appelaient les uns les autres frère et soeur; ils se saluaient d'un saint baiser; ils soignaient les pauvres. C'était une communauté de vie aussi bien que d'adoration; elle ne résultait pas d'un décret, mais du désir de partager leurs biens avec leurs compagnons croyants. Ils espéraient avec confiance que, durant leur génération, Jésus reviendrait parachever l'établissement du royaume du Père. Ce partage spontané des possessions terrestres n'était pas une caractéristique directe de l'enseignement de Jésus; il résulta de la sincérité et de la confiance avec laquelle ces hommes et ces femmes croyaient que le Maitre allait revenir incessamment pour achever son oeuvre et instaurer le royaume. Mais les résultats finals de cette expérience bien intentionnée d'amour fraternel inconsidéré furent désastreux et générateurs de chagrins. Des milliers de croyants sincères vendirent leurs propriétés et distribuèrent tous leurs capitaux et autres actifs rentables. Avec le temps, les ressources du “ partage égal ” chrétien s'amenuisèrent et finirent par s'épuiser – mais la vie continuait. Au bout de très peu de temps, les croyants d'Antioche firent des collectes pour empêcher leurs co-réligionnaires de Jérusalem de mourir de faim.
À cette époque, les croyants célébraient le souper du Seigneur de la manière dont il avait été établi, c'est-à-dire qu'ils se rassemblaient pour un repas collectif de bonne communion et prenaient part au sacrement à la fin du repas.
Au début, ils baptisèrent au nom de Jésus; c'est seulement au bout d'une vingtaine d'années qu'ils commencèrent à baptiser “ au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ”. On n'exigeait rien d'autre que le baptême pour l'admission à la communauté des croyants; celle-ci n'avait pas encore d'organisation; elle était simplement la fraternité de Jésus.
Cette secte de Jésus grandissait rapidement et, une fois de plus, les sadducéens leur prêtèrent attention. Les pharisiens s'inquiétaient peu de la situation, voyant qu'aucun des enseignements n'interférait en quoi que ce soit avec l'observance des lois juives. Mais les sadducéens commencèrent à mettre en prison les dirigeants de la secte de Jésus, jusqu'au moment où Gamaliel, l'un des principaux rabbis, les amena à accepter ses recommandations : “ Abstenez-vous de toucher à ces êtres humains et laissez-les tranquilles, car, si ce dessein ou cette oeuvre vient des êtres humains, il sera anéanti; mais, s'il vient de Dieu, vous ne pourrez pas les détruire, et peut-être même vous trouverez-vous en conflit avec Dieu. ” Les sadducéens décidèrent de suivre l'avis de Gamaliel, et il s'ensuivit une période de paix et de tranquillité à Jérusalem, durant laquelle le nouvel évangile à propos de Jésus se répandit rapidement.
Tout se passa donc bien à Jérusalem jusqu'au moment où des Grecs arrivèrent en grand nombre d'Alexandrie. Deux élèves de Rodan vinrent à Jérusalem et firent de nombreuses conversions chez les Hellénistes. Parmi les premiers se trouvaient Étienne et Barnabas. Ces Grecs compétents ne partageaient pas tellement le point de vue des Juifs, et ne se conformaient pas si bien au mode d'adoration des Juifs ni à certaines de leurs pratiques cérémonielles. Ce furent les agissements de ces croyants grecs qui mirent fin aux rapports pacifiques entre la fraternité de Jésus d'une part, et les pharisiens et sadducéens d'autre part. Étienne et son associé grec commencèrent à faire des sermons plus conformes à l'enseignement de Jésus, ce qui provoqua un conflit immédiat avec les dirigeants juifs. Au cours d'un sermon public, quand Étienne atteignit la partie de son discours jugée répréhensible, ils se dispensèrent de toute formalité juridique et le lapidèrent à mort sur place.
Étienne, chef de la colonie grecque des croyants en Jésus à Jérusalem, devint ainsi le premier martyr de la foi nouvelle et la cause spécifique de l'organisation officielle de l'Église chrétienne primitive. En effet, les croyants firent face à cette nouvelle crise en constatant qu'ils ne pouvaient plus prolonger leur statut de secte intérieure de la religion juive. Ils convinrent tous qu'il fallait se séparer des incroyants. Un mois après la mort d'Étienne, l'Église de Jérusalem avait été organisée sous la direction de Pierre, et Jacques, le frère de Jésus, en avait été nommé chef titulaire.
Alors éclatèrent les nouvelles et implacables persécutions par les Juifs, de sorte que les éducateurs actifs de la nouvelle religion à propos de Jésus, religion que l'on appela ultérieurement christianisme à Antioche, se dispersèrent jusqu'aux confins de l'empire en proclamant Jésus. Avant l'époque de Paul, ce furent donc des Grecs qui dirigèrent la diffusion du message. Ces premiers missionnaires, ainsi d'ailleurs que les suivants, reprirent l'itinéraire autrefois suivi par Alexandre, allant à Antioche par Gaza et Tyr, et de là en Macédoine par l'Asie Mineure, puis à Rome et dans les parties les plus lointaines de l'empire.
Liés par la tradition et tyrannisés par les prêtres, les Hébreux, en tant que peuple, refusèrent d'accepter soit l'évangile de Jésus sur la paternité de Dieu et la fraternité des êtres humains, soit la proclamation de Pierre et de Paul sur la résurrection et l'ascension du Christ (le christianisme ultérieur); par contre, le reste de l'empire romain fut réceptif aux enseignements chrétiens en évolution. À cette époque, la civilisation occidentale était intellectuelle, fatiguée de la guerre et complètement sceptique sur toutes les religions existantes et les philosophies universelles. Les peuples du monde occidental, bénéficiaires de la culture grecque, avaient une tradition révérée d'un grand passé. Ils pouvaient contempler un héritage de grands accomplissements en philosophie, en art, en littérature et en progrès politiques. Mais, malgré tous ces accomplissements, ils n'avaient pas de religion satisfaisante pour l'âme. Leurs profonds désirs spirituels restaient insatisfaits.
C'est sur une telle scène de la société humaine que les enseignements de Jésus contenus dans le message chrétien furent soudainement projetés. Un nouvel ordre de vie fut ainsi présenté aux coeurs affamés de ces peuples occidentaux. Cette situation impliquait un conflit immédiat entre les anciennes pratiques religieuses et la nouvelle version christianisée du message de Jésus au monde. Ce conflit devait se terminer soit par une nette victoire des anciennes ou des nouvelles croyances, soit par une sorte de compromis. L'histoire montre que la lutte se termina par un compromis. Le christianisme eut l'ambition d'embrasser un programme trop étendu pour qu'un peuple quelconque puisse l'assimiler dans l'espace d'une ou deux générations. Ce programme n'était pas un simple appel spirituel tel que Jésus l'avait présenté à l'âme des êtres humains. De bonne heure, le christianisme prit nettement position sur les rituels religieux, l'éducation, la magie, la médecine, l'art, la littérature, la loi, le gouvernement, la morale, la réglementation sexuelle, la polygamie et même, dans une mesure limitée, sur l'esclavage. Le christianisme n'émergea pas simplement comme une nouvelle religion – chose que tout l'empire romain et tout l'orient attendaient – mais comme un nouvel ordre de la société humaine. Alors, très vite cette prétention précipita le conflit socio-moral des âges. Les idéaux de Jésus, tels qu'ils furent réinterprétés par la philosophie grecque et socialisés dans le christianisme, défiaient maintenant audacieusement les traditions de la race humaine incorporés dans l'éthique, la moralité et les religions de la civilisation occidentale.
Au début, le christianisme ne fit de conversions que dans les couches inférieures des milieux sociaux et économiques. Mais, dès le commencement du deuxième siècle, l'élite de la culture gréco-romaine s'orienta de plus en plus vers ce nouvel ordre de croyance chrétienne, ce nouveau concept de la raison de vivre et du but de l'existence.
Comment ce nouveau message d'origine juive, qui avait presque échoué dans son pays natal, put-il capter si vite et si efficacement le mental des élites de l'empire romain ? Le triomphe du christianisme sur les religions philosophiques et les cultes des mystères fut dû aux facteurs suivants :L'organisation – Paul était un grand organisateur, et ses successeurs restèrent à sa hauteur.
Le christianisme était complètement hellénisé. Il englobait ce qu'il y avait de meilleur dans la philosophie grecque et dans la théologie hébraïque.
Mais, mieux que tout, il contenait un nouvel et grand idéal, l'écho de la vie d'effusion de Jésus et le reflet de son message de salut pour toute l'humanité.
Les dirigeants chrétiens étaient disposés à faire, avec le mithracisme, les compromis nécessaires pour que plus de la moitié de ses adhérents soient gagnés au culte d'Antioche.
De même, la génération suivante et les générations subséquentes de dirigeants chrétiens firent encore de tels compromis avec le paganisme que même l'empereur romain Constantin fut gagné à la nouvelle religion.
Toutefois, les chrétiens conclurent un marché judicieux avec les païens, en ce sens qu'ils adoptèrent l'apparat du rituel païen tout en obligeant les païens à accepter la version hellénisée du christianisme paulinien. Ils transigèrent plus heureusement avec le paganisme qu'avec le culte mithriaque, mais, même dans ce compromis initial, ils sortirent plus que vainqueurs, en ce sens qu'ils réussirent à éliminer les grossières immoralités ainsi que nombre d'autres pratiques répréhensibles des mystères persans.
À tort ou à raison, les premiers dirigeants du christianisme compromirent délibérément les idéaux de Jésus dans un effort pour sauver et propager beaucoup de ses idées. Et ils remportèrent de grands succès. Mais ne nous y trompons pas ! Les idéaux compromis du Maitre restent latents dans son évangile et finiront par affirmer leurs pleins pouvoirs sur le monde.
Par cette paganisation du christianisme, l'ancien ordre de choses gagna nombre de victoires mineures de nature ritualiste, mais les chrétiens prirent l'ascendant en ce sens que :
L'héllénisation du christianisme commença réellement le jour mémorable où l'apôtre Paul se présenta devant le conseil de l'aréopage d'Athènes et parla aux Athéniens du “ Dieu inconnu ”. Là, à l'ombre de l'Acropole, ce citoyen romain proclama aux Grecs sa version de la nouvelle religion qui avait pris naissance dans le pays juif de Galilée. La philosophie grecque et nombre d'enseignements de Jésus présentaient d'étranges similitudes. Ils avaient un but commun – tous deux visaient à l'émergence de l'individu, les Grecs, à son émergence sociale et politique; Jésus à son émergence morale et spirituelle. Les Grecs enseignaient le libéralisme intellectuel conduisant à la liberté politique; Jésus enseignait le libéralisme spirituel conduisant à la liberté religieuse. L'union de ces deux idées formait une nouvelle et puissante charte de la liberté humaine; elle laissait présager la liberté sociale, politique et spirituelle de l'être humain.
Le christianisme prit naissance et triompha de toutes les religions opposantes pour deux raisons principales :
Les Grecs révéraient la beauté et les Juifs, la sainteté, mais les deux peuples aimaient la vérité. Durant des siècles, les Grecs avaient sérieusement médité et sincèrement discuté tous les problèmes humains – sociaux, économiques, politiques et philosophiques – sauf la religion. Rares étaient les Grecs qui avaient vraiment prêté attention à la religion; ils ne prenaient même pas leur propre religion très au sérieux. Pendant des siècles, les Juifs avaient négligé les autres domaines de la pensée en consacrant leur attention à la religion. Ils prenaient leur religion très sérieusement, trop sérieusement même. Éclairé par le contenu du message de Jésus, le produit unifié des siècles de pensée de ces deux peuples devint alors le moteur d'un nouvel ordre social humain et, dans une certaine mesure, d'un nouvel ordre humain de croyances et de pratiques religieuses.
À l'époque où Alexandre répandit la philosophie helléniste dans le Proche Orient, l'influence de la culture grecque avaient déjà pénétré les pays de la Méditerranée Occidentale. Tant qu'ils habitèrent de petites cités-États, les Grecs eurent de bons résultats avec leur religion et leur politique, mais, quand le roi de Macédoine osa faire de la Grèce un empire s'étendant de l'Adriatique à l'Indus, les difficultés commencèrent. L'art et la philosophie de la Grèce étaient parfaitement à la hauteur de l'expansion impériale, mais on ne saurait en dire autant de son administration politique ni de sa religion. Après que les cités-États de Grèce se furent développées en un empire, leurs dieux plutôt paroissiaux semblèrent un peu bizarres. Les Grecs étaient vraiment à la recherche d'un Dieu unique, d'un Dieu plus grand et meilleur, lorsque la version christianisée de l'ancienne religion juive leur parvint.
En tant que tel, l'Empire hellène ne pouvait durer. Son emprise culturelle continua, mais ne subsista qu'après avoir acquis de l'Occident le génie politique romain pour l'administration d'un empire, et après avoir obtenu de l'Orient une religion dont le Dieu unique possédait une dignité impériale.
Au premier siècle après le Christ, la culture grecque avait déjà atteint son apogée; sa régression avait commencé; l'instruction augmentait, mais le génie déclinait. Ce fut à cette époque précise que les idées et idéaux de Jésus, partiellement incorporés dans le christianisme, devinrent une partie de la culture et de l'instruction grecques qui purent être sauvées.
Alexandre avait foncé sur l'Orient avec le don de la civilisation grecque; Paul prit d'assaut l'Occident avec la version chrétienne de l'évangile de Jésus. Dans toutes les parties de l'Occident où la culture grecque prévalut, le christianisme hellénisé prit racine.
La version orientale du message de Jésus, bien qu'elle demeurât plus fidèle aux enseignements du Maitre, continua de suivre l'attitude intransigeante d'Abner. Elle ne progressa jamais comme la version hellénisée, et finit par se perdre dans le mouvement islamique.
Les Romains adoptèrent en bloc la culture grecque en substituant des gouvernements représentatifs aux gouvernements par tirage au sort. Ces changements ne tardèrent pas à favoriser le christianisme, en ce sens que Rome introduisit, dans tout le monde occidental, une tolérance nouvelle pour des langues, des populations et même des religions étrangères.
À Rome, une grande partie des premières persécutions contre les chrétiens fut motivée uniquement par l'emploi malencontreux du mot “ royaume ” dans leurs prédications. Les Romains toléraient toutes les religions et n'importe laquelle, mais ne supportaient rien de ce qui avait un air de rivalité politique. Aussi, quand ces premières persécutions religieuses – si largement dues à des malentendus – prirent fin, le champ de la propagande religieuse se trouva largement ouvert. Le Romain s'intéressait à l'administration politique; il s'intéressait peu à l'art et à la religion, mais il était exceptionnellement tolérant pour les deux.
La loi orientale était sévère et arbitraire; la loi grecque était fluide et artistique; la loi romaine avait de la dignité et imposait le respect. L'éducation romaine engendrait une fidélité incomparable et impassible. Les premiers Romains étaient des individus politiquement dévoués et sublimement consacrés. Ils étaient honnêtes, zélés et dévoués à leurs idéaux, mais sans religion digne de ce nom. Il n'est guère étonnant que leurs éducateurs grecs aient pu les persuader d'accepter le christianisme de Paul.
Et ces Romains étaient un grand peuple. Ils purent gouverner l'Occident parce qu'ils se gouvernaient eux-mêmes. Une telle honnêteté sans précédent, une telle consécration et une telle maitrise résolue de soi formaient un terrain idéal pour la réception et la croissance du christianisme.
Il était facile à ces Gréco-Romains de devenir tout aussi dévoués spirituellement à une Église institutionnelle qu'ils l'étaient politiquement à l'État. Les Romains ne combattirent l'Église qu'au moment où ils craignirent qu'elle ne fît concurrence à l'État. Ayant peu de philosophie nationale ou de culture indigène, Rome reprit à son compte la culture grecque et adopta hardiment l'enseignement du Christ comme philosophie morale. Le christianisme devint la culture morale de Rome, mais ne devint guère sa religion dans le sens d'une expérience individuelle de croissance spirituelle pour ceux qui embrassèrent le nouveau culte d'une manière aussi globale. Il est vrai qu'un bon nombre d'individus pénétrèrent sous la superficialité de toute cette religion d'État, et trouvèrent, pour nourrir leur âme, les vraies valeurs des significations cachées contenues dans les vérités latentes du christianisme hellénisé et paganisé.
Le stoïcien, et son vigoureux appel “ à la nature et à la conscience ” n'avait que mieux préparé tout Rome à recevoir le Christ, au moins dans un sens intellectuel. Le Romain était un juriste par nature et par éducation; il révérait même les lois de la nature. Et maintenant, dans le christianisme, il discernait les lois de Dieu dans les lois de la nature. Un peuple qui pouvait produire un Cicéron et un Virgile était mûr pour le christianisme hellénisé de Paul.
C'est ainsi que ces Grecs romanisés forcèrent à la fois les Juifs et les chrétiens à rendre philosophique leur religion, à en coordonner les idées, à rendre systématiques ses idéaux et à adapter les pratiques religieuses au courant de vie existant. Tout ceci fut immensément aidé par la traduction en grec des Écritures hébraïques et par la rédaction ultérieure en langue grecque du Nouveau Testament.
Contrairement aux Juifs et à de nombreux autres peuples, les Grecs avaient depuis longtemps cru provisoirement à l'immortalité, à une sorte de survie après la mort. Or, c'était l'essence de l'enseignement de Jésus; il était donc certain que le christianisme exercerait sur eux un puissant attrait.
Une succession de victoires de la culture grecque et de la politique romaine avait consolidé les pays méditerranéens eu un seul empire, avec une seule langue et une seule culture, de sorte que le monde occidental était prêt pour un seul Dieu. Le judaïsme fournissait ce Dieu, mais le judaïsme en tant que religion était inacceptable pour les Grecs romanisés. Philon en aida quelques-uns à mitiger leurs objections, mais le christianisme leur révéla un concept encore meilleur d'un Dieu unique, et ils l'adoptèrent volontiers.
Après la consolidation de la souveraineté politique romaine et la propagation du christianisme, les chrétiens se trouvèrent avec un seul Dieu, un grand concept religieux, mais sans empire. Les Gréco-Romains se trouvèrent avec un grand empire, mais sans un Dieu qui puisse de manière satisfaisante servir de concept religieux pour le culte d'un empire et pour son unification spirituelle. Les chrétiens acceptèrent l'empire, et l'empire adopta le christianisme. Les Romains fournirent une unité de gouvernement politique, les Grecs, une unité de culture et d'instruction, et le christianisme, une unité de pensée et de pratique religieuses.
Rome triompha de la tradition du nationalisme par un universalisme impérial. Pour la première fois dans l'histoire, elle rendit possible à différentes races et nations d'accepter, au moins nominalement, une même religion.
Le christianisme gagna la faveur de Rome à un moment de lutte ardente entre les vigoureux enseignements des stoïciens et les promesses de salut du culte des mystères. Le christianisme apporta une consolation reposante et un pouvoir libérateur à un peuple spirituellement affamé, dont le langage ne comportait pas de mot signifiant “ désintéressement ”.
Le christianisme tira son plus grand pouvoir de la manière dont ses croyants vécurent une vie de service, et même de la manière dont ils moururent pour leur foi durant les premiers temps de persécutions rigoureuses.
L'enseignement concernant l'amour du Christ pour les enfants mit bientôt fin à la pratique généralisée d'exposer les enfants qui n'étaient pas désirés, et particulièrement les filles.
Les premières formes de culte chrétien furent largement copiées sur celles des synagogues juives, modifiées par le rituel mithriaque. Plus tard, on y ajouta beaucoup d'apparat païen. Les Grecs christianisés, prosélytes du judaïsme, formaient l'ossature de l'Église chrétienne primitive.
Le deuxième siècle après le Christ fut le meilleur temps de toute l'histoire du monde pour qu'une bonne religion puisse progresser dans le monde occidental. Durant le premier siècle, le christianisme s'était préparé, par des luttes et des compromis, à prendre racine et à se répandre rapidement. Le christianisme adopta l'empereur, et plus tard l'empereur adopta le christianisme. C'était une grande époque pour la diffusion d'une nouvelle religion. On jouissait de la liberté religieuse, les voyages étaient universels et la pensée ne subissait pas d'entraves.
L'élan spirituel donné par l'acceptation nominale du christianisme hellénisé atteignit Rome trop tard pour empêcher son déclin moral bien amorcé ou pour compenser sa dégénérescence raciale déjà bien établie et croissante. Cette nouvelle religion était une nécessité culturelle pour la Rome impériale, et il est extrêmement malheureux qu'elle ne soit pas devenue un moyen de salut spirituel dans un sens plus large.
Même une bonne religion ne put sauver un grand empire des résultats certains du manque de participation des individus aux affaires du gouvernement, d'un excès de paternalisme, d'impôts exagérés comportant des abus grossiers dans leur recouvrement, d'un commerce déséquilibré avec le Levant qui drainait l'or, de la folie des plaisirs, de la standardisation romaine, de l'état dégradant où était tenue la femme, de la décadence raciale et de l'esclavage, des calamités physiques et d'une Église d'État qui devint à tel point une institution qu'elle frisa la stérilité spirituelle.
Les conditions n'étaient cependant pas aussi mauvaises à Alexandrie. Les premières écoles conservèrent beaucoup d'enseignements de Jésus, libres de compromis. Pantène enseigna Clément, puis suivit Nathanael aux Indes en proclamant le Christ. Bien que certains idéaux de Jésus aient été sacrifiés pour bâtir le christianisme, il faut constater en toute équité que, vers la fin du deuxième siècle, la quasi-totalité des grands penseurs du monde gréco-romain était devenue chrétienne. Le triomphe approchait de son parachèvement.
Et cet empire romain dura suffisamment longtemps pour assurer la survie du christianisme même après son propre effondrement. Nous avons souvent cherché à imaginer ce qui serait arrivé à Rome et dans le monde si l'évangile du royaume avait été adopté à la place du christianisme grec.
Auxiliaire de la société et alliée de la politique, l'Église était condamnée à partager le déclin intellectuel et spirituel de ce qu'on appelle les “ âges de ténèbres ” européens. Durant cette époque, la religion prit un caractère de plus en plus monastique, ascétique et réglementaire. Au sens spirituel, le christianisme était en hibernation. À côté de cette religion sommeillante et sécularisée, il exista, durant toute cette période un courant continu de mysticisme, une expérience spirituelle fantastique frisant l'irréel et philosophiquement parente du panthéisme.
Durant ces sombres siècles de désespoir, la religion redevint pratiquement de seconde main. Les individus étaient à peu près perdus devant l'autorité, la tradition et la mainmise de l'Église qui s'étendait sur tout. Une nouvelle menace spirituelle s'éleva par la création d'une galaxie de “ saints ” censés avoir une influence spéciale auprès des tribunaux divins; en conséquence, si l'on savait faire efficacement appel à eux, ils devaient pouvoir intercéder en faveur des êtres humains auprès des Dieux.
Tout en restant impuissant à barrer la route aux âges des ténèbres qui arrivaient, le christianisme était suffisamment socialisé et paganisé pour survivre d'autant mieux à une période prolongée de ténèbres morales et de stagnation spirituelle. Il subsista durant la longue nuit de la civilisation occidentale et agissait encore en tant qu'influence morale dans le monde à l'aurore de la Renaissance. Après l'écoulement des âges de ténèbres, la réhabilitation du christianisme eut pour résultat de faire naître de nombreuses sectes d'enseignement chrétien dont les croyances étaient adaptées à des types spéciaux – intellectuels, émotifs et spirituels – de personnalités humaines. Beaucoup de ces collectivités chrétiennes spéciales, ou familles religieuses, subsistent encore aujourd'hui.
L'histoire montre que le christianisme est né de la transformation involontaire de la religion de Jésus en une religion à propos de Jésus. Elle montre aussi que le christianisme a subi l'hellénisation, la paganisation, la sécularisation, l'institutionnalisme, la dépravation intellectuelle, la décadence spirituelle, l'hibernation morale, les menaces d'extinction, la régénérescence ultérieure, la fragmentation et, plus récemment, une réhabilitation relative. Ce curriculum dénote une vitalité qui lui est inhérente et la possession d'immenses facultés de récupération. Et ce même christianisme est actuellement présent dans le monde civilisé des peuples occidentaux, faisant face à une lutte pour la vie encore plus inquiétante que les mémorables crises caractéristiques de ses anciennes batailles pour la domination.
La religion est aujourd'hui confrontée au défi d'un nouvel âge de mentalité scientifique et de tendances matérialistes. Dans ce gigantesque conflit entre le temporel et le spirituel, la religion de Jésus finira par triompher.
Le vingtième siècle a apporté au christianisme et à toutes les autres religions de nouveaux problèmes à résoudre. Plus une civilisation s'élève, plus s'impose aux êtres humains le devoir impérieux de “ chercher d'abord les réalités célestes ” dans tous leurs efforts pour stabiliser la société et faciliter la solution de ses problèmes matériels.
Bien souvent la vérité devient confuse et même trompeuse quand elle est disséquée, fractionnée, isolée et trop analysée. La vérité vivante ne donne au chercheur un enseignement valable que si elle est embrassée dans sa totalité et en tant que réalité spirituelle vivante; il ne suffit pas qu'elle soit un fait de la science matérielle ou une inspiration d'un art intermédiaire.
La religion est la révélation à l'être humain de sa destinée divine et éternelle. La religion est une expérience purement personnelle et spirituelle; elle doit perpétuellement être distinguée des autres formes supérieures de la pensée humaine telles que :
Il n'est pas plus possible de maintenir un système social durable sans une moralité fondée sur des réalités spirituelles que de maintenir un système solaire sans la gravité.
N'essayons ni de satisfaire la curiosité ni de contenter tous les désirs latents d'aventure qui surgissent dans l'âme pendant la courte durée d'une vie dans la chair. Soyons patients ! Ne cédons pas à la tentation de nous plonger dans le dérèglement des aventures vulgaires et sordides. Domptons nos énergies et réfrénons nos passions. Soyons calmes en attendant le déroulement majestueux d'une carrière sans fin d'aventures progressives et de découvertes passionnantes.
Dans la confusion sur l'origine de l'être humain, ne perdons pas de vue sa destinée éternelle. N'oublions pas que Jésus aimait même les petits enfants, et qu'il montra, clairement et à tout jamais, la grande valeur de la personnalité humaine.
En observant le monde, rappelons-nous que les taches sombres du mal que nous voyons ressortent sur un arrière-plan clair de bien ultime. Nous ne voyons pas simplement le bien sous forme de taches blanches ressortant misérablement sur un noir arrière-plan de mal.
Quand il y a tant de vérités bonnes à publier et à proclamer, pourquoi les êtres humains devraient-ils prêter tant d'attention au mal dans le monde simplement parce que le mal apparaît comme un fait ? Les belles valeurs spirituelles de la vérité sont plus agréables et exaltantes que le phénomène du mal.
En religion, Jésus recommanda et suivit la méthode de l'expérience, de même que la science moderne poursuit la technique expérimentale. Nous trouvons Dieu par les directives de la clairvoyance spirituelle, mais nous approchons cette clairvoyance de l'âme par l'amour du beau, la poursuite de la vérité, la fidélité au devoir et l'adoration de la divine bonté. Mais, parmi toutes ces valeurs, l'amour est le véritable guide vers la clairvoyance réelle.
Vers une heure de l'après-midi, tandis que les cent-vingt croyants étaient en prière, ils se rendirent tous compte d'une étrange présence dans la salle. En même temps, tous ces disciples devinrent conscients d'un sentiment nouveau et profond de joie, de sécurité et de confiance spirituelles. Cette nouvelle conscience de force spirituelle fut immédiatement suivie d'une puissante impulsion à sortir pour proclamer publiquement l'évangile du royaume et la bonne nouvelle que Jésus était ressuscité d'entre les morts.
Pierre se leva et déclara que ce devait être la venue de l'Esprit de Vérité que le Maitre leur avait promis. Il leur proposa d'aller au temple commencer à proclamer la bonne nouvelle confiée à leurs soins, et tous firent ce que Pierre avait suggéré.
L'éducation de ces êtres humains leur avait bien appris que l'évangile qu'ils devaient prêcher était la paternité de Dieu et la filiation des êtres humains, mais, à ce moment précis d'extase spirituelle et de triomphe personnel, la meilleure et la plus grande nouvelle à laquelle ils pouvaient penser était le fait que le Maitre était ressuscité. Doués d'un pouvoir d'en haut, ils allèrent donc prêcher l'heureuse nouvelle au peuple – le salut par Jésus – mais ils tombèrent involontairement dans l'erreur de substituer au message même de l'évangile certains faits associés à l'évangile. Pierre prit inconsciemment l'initiative de cette erreur, et d'autres le suivirent, jusqu'à Paul, qui créa une nouvelle religion fondée sur cette nouvelle version de la bonne nouvelle.
L'évangile du royaume est : le fait de la paternité de Dieu associé à la vérité qui en découle de la fraternité des êtres humains basée sur cette filiation. Le christianisme, tel qu'il s'est développé depuis ce jour, est : le fait de Dieu en tant que Père du Seigneur Jésus-Christ, associé à l'expérience de communion du croyant avec le Christ ressuscité et glorifié.
Il n'est pas étonnant que ces êtres humains imprégnés d'esprit aient saisi cette occasion d'exprimer leur sentiment de triomphe sur les forces qui avaient cherché à détruire leur Maitre et à mettre fin à l'influence de son enseignement. En un pareil moment, il leur était plus facile de se rappeler leur association personnelle avec Jésus et d'être passionnés par l'assurance que le Maitre vivait encore, que leur amitié avec lui n'avait pas pris fin et que l'esprit était vraiment venu sur eux précisément comme il le leur avait promis.
Ces croyants se sentirent soudainement transportés dans un autre monde, dans une nouvelle existence de joie, de puissance et de gloire. Le Maitre leur avait dit que le royaume viendrait avec puissance, et certains d'entre eux crurent commencer à discerner ce qu'il avait voulu dire.
Quand tout ceci est pris en considération, il est facile de comprendre comment ces êtres humains en arrivèrent à prêcher un nouvel évangile à propos de Jésus à la place de leur message initial de la paternité de Dieu et de la fraternité des êtres humains.
Les apôtres s'étaient cachés pendant quarante jours. Ce jour se trouvait être la fête juive de la Pentecôte, et des milliers de visiteurs de toutes les parties du monde séjournaient à Jérusalem. Bon nombre d'entre eux étaient arrivés pour cette fête, mais la majorité était restée dans la ville depuis la Pâque. Maintenant, ces apôtres effrayés réapparaissaient après leurs semaines de réclusion pour se montrer audacieusement dans le temple et commencer à y prêcher le nouveau message d'un Messie ressuscité. Et tous les disciples étaient également conscients d'avoir reçu un nouveau don spirituel de clairvoyance et de pouvoir.
Il était environ deux heures de l'après-midi lorsque, à l'endroit même où son Maitre avait enseigné pour la dernière fois dans le temple, Pierre se leva et prononça l'appel passionné qui aboutit à gagner près de deux-mille âmes. Le Maitre était parti, mais les apôtres découvrirent subitement que ce récit le concernant avait un grand pouvoir sur le peuple. Il est bien naturel qu'ils aient continué à proclamer ce qui justifiait leur ancienne dévotion à Jésus et, en même temps, contraignait les êtres humains à croire en lui. Six apôtres participèrent à cette réunion : Pierre, André, Jacques, Jean, Philippe et Matthieu. Ils parlèrent pendant plus d'une heure et demie et exprimèrent leurs messages en grec, en hébreu et en araméen; ils prononcèrent même quelques paroles en d'autres langues dont ils avaient quelque notion.
Les chefs des Juifs furent stupéfaits de l'audace des apôtres, mais craignirent de les molester à cause du grand nombre de gens qui croyaient à leur récit.
Vers quatre heures et demie, plus de deux-mille nouveaux croyants descendirent avec les apôtres à la piscine de Siloé où Pierre, André, Jacques et Jean les baptisèrent au nom du Maitre. Il faisait nuit quand ils eurent achevé de baptiser cette multitude.
La Pentecôte était la grande fête du baptême où l'on admettait à la communauté des prosélytes du dehors, les Gentils qui désiraient servir Yahweh. Il était donc d'autant plus facile à un grand nombre de Juifs et de Gentils croyants de se faire baptiser ce jour-là. Ce faisant, ils ne rompaient en aucune manière avec la foi juive. Les croyants en Jésus formèrent même, pendant quelque temps, une secte interne du judaïsme. Tous, y compris les apôtres, restaient fidèles aux exigences essentielles du système cérémoniel juif.
Jésus vécut et enseigna sur Terre un évangile qui dégagea l'être humain de la superstition qu'il était un enfant du diable et l'éleva à la dignité de fils ou de fille de Dieu par la foi. Ce message de Jésus, tel qu'il le prêcha et le vécut en son temps, résolvait efficacement les difficultés spirituelles de l'être humain à l'époque où il fut énoncé. Et maintenant que le Maitre a personnellement quitté ce monde, il envoie à sa place l'Esprit de Vérité destiné à vivre dans l'être humain et à reformuler le message de Jésus pour chaque nouvelle génération. Ainsi, chaque nouveau groupe de mortels apparaissant à la surface de la Terre aura une nouvelle version mise à jour de l'évangile; une illumination personnelle et une gouverne collective telle qu'elle se révèlera être pour l'être humain une solution efficace de ses difficultés spirituelles toujours nouvelles et variées.
Bien entendu, la première mission de cet esprit consiste à entretenir et à personnaliser la vérité, car c'est la compréhension de la vérité qui constitue la forme la plus élevée de la liberté humaine. Ensuite, cet esprit a pour dessein de détruire chez le croyant le sentiment d'être orphelin. Jésus ayant vécu parmi les êtres humains, tous les croyants éprouveraient un sentiment de solitude si l'Esprit de Vérité n'était pas venu habiter dans les coeurs humains.
L'effusion de l'esprit du Fils prépara efficacement le mental de tous les êtres humains normaux à l'effusion universelle subséquente de l'esprit du Père (l'Ajusteur) sur toute l'humanité. Dans un certain sens, l'Esprit de Vérité est à la fois l'esprit du Père Universel et celui du Fils Créateur.
Ne commettons pas l'erreur de compter acquérir la ferme conscience intellectuelle de l'Esprit de Vérité désormais répandu. L'esprit ne crée jamais une conscience de lui-même, mais seulement une conscience de Michael, le Fils. Dès le commencement, Jésus enseigna que l'esprit ne parlerait pas de lui-même. La preuve de notre communion avec l'Esprit de Vérité ne se trouve donc pas dans notre conscience de cet esprit, mais plutôt dans notre expérience d'une communion accrue avec Michael.
L'esprit vint aussi pour aider les êtres humains à se rappeler et à comprendre les paroles du Maitre, ainsi qu'à éclairer et réinterpréter sa vie sur Terre.
Ensuite, l'Esprit de Vérité vint aider les croyants à témoigner des réalités des enseignements et de la vie de Jésus telle qu'il la vécut dans la chair, et telle qu'il la vit maintenant à nouveau dans chaque croyant des générations successives de fils et de filles de Dieu imprégnés de l'esprit.
Il apparaît ainsi que l'Esprit de Vérité vient réellement pour conduire tous les croyants dans toute la vérité, pour les faire accéder à la connaissance grandissante de la conscience spirituelle vivante et croissante de la réalité de la filiation éternelle et ascendante avec Dieu.
Jésus vécut une vie qui est une révélation de l'être humain soumis à la volonté du Père, et non un exemple que chacun doit essayer de suivre à la lettre. Sa vie dans la chair ainsi que sa mort sur la croix et sa résurrection ultérieure devinrent bientôt un nouvel évangile de la rançon ainsi payée pour racheter l'être humain de l'emprise du malin – de la condamnation d'un Dieu offensé. Malgré tout, bien que l'évangile ait été ainsi très déformé, le fait subsiste que ce nouveau message à propos de Jésus comportait bien des vérités et des enseignements fondamentaux de son évangile initial du royaume. Tôt ou tard, ces vérités passées sous silence de la paternité de Dieu et de la fraternité des êtres humains émergeront pour transformer efficacement la civilisation de toute l'humanité.
Mais ces erreurs intellectuelles n'interfèrent en aucune manière avec les grands progrès des croyants en croissance d'esprit. En moins d'un mois après l'effusion de l'Esprit de Vérité, les apôtres firent individuellement plus de progrès spirituels que durant leurs quatre années, ou presque, d'association personnelle et affectueuse avec le Maitre. Cette substitution du fait de la résurrection de Jésus à la vérité de l'évangile sauveur de la filiation avec Dieu n'empêcha pas non plus, en quoi que ce soit, la diffusion rapide de leurs enseignements; au contraire, le fait que le message de Jésus ait été apporté sous l'égide des nouveaux enseignements sur sa personne et sa résurrection parut faciliter grandement la prédication de la bonne nouvelle.
L'expression “ baptême d'esprit ”, qui fut si généralement employée vers cette époque, signifiait simplement la réception consciente de ce don de l'Esprit de Vérité et la récognition personnelle de ce nouveau pouvoir spirituel comme un accroissement de toutes les influences spirituelles précédemment ressenties par les âmes connaissant Dieu.
Depuis l'effusion de l'Esprit de Vérité, l'être humain est sujet à l'enseignement et à la gouverne d'une triple dotation spirituelle : l'Esprit du Père (l'Ajusteur de Pensée), l'esprit du Fils (l'Esprit de Vérité) et l'esprit de l'Esprit (le Saint-Esprit).
Dans un sens, l'humanité est sujette à la double influence du septuple appel des influences spirituelles universelles. Les races primitives évolutionnaires de mortels subissent le contact progressif des sept esprits-mentaux adjuvats de l'Esprit-Mère de l'univers local. Ensuite, à mesure que l'être humain progresse en s'élevant sur l'échelle de l'intelligence et de la perception spirituelle, sept influences supérieures d'esprit viennent en fin de compte planer au-dessus de lui et habiter en lui. Voici ces sept esprits des mondes en progrès :
C'est ainsi que l'effusion de l'Esprit de Vérité apporta au monde et à ses peuples la dernière dotation d'esprit destinée à les aider dans la recherche ascendante de Dieu.
Beaucoup d'enseignements bizarres et étranges furent associés aux récits initiaux du jour de la Pentecôte. Dans les temps qui suivirent les évènements de ce jour, où l'Esprit de Vérité, le nouvel instructeur, vint habiter parmi les êtres humains, ont été confondus avec les stupides débordements d'un sentimentalisme exacerbé. La principale mission de cet esprit, répandu par le Père et le Fils, consiste à enseigner aux êtres humains les vérités sur l'amour du Père et la miséricorde du Fils. Ce sont là les vérités de divinité que les êtres humains peuvent comprendre plus complètement que tous les autres traits de caractère divin. L'Esprit de Vérité cherche en premier lieu à révéler la nature spirituelle du Père et le caractère moral du Fils. Le Fils Créateur, dans la chair, a révélé Dieu aux êtres humains; l'Esprit de Vérité, dans le coeur, révèle le Fils Créateur aux êtres humains. Quand un être humain produit dans sa vie les “ fruits de l'esprit ”, il exprime simplement les traits de caractère que le Maitre a manifestés dans sa propre vie terrestre. Quand Jésus était sur Terre, il a vécu sa vie comme une personnalité indivise – Jésus de Nazareth. En tant qu'esprit intérieur du “ nouvel instructeur ”, depuis la Pentecôte, le Maitre a pu vivre sa vie à nouveau dans l'expérience de tout croyant instruit de la vérité.
Bien des évènements qui surviennent au cours d'une vie humaine sont difficiles à comprendre et à concilier avec l'idée que nous habitons un univers dans lequel la vérité prévaut et la droiture triomphe. Il apparaît trop souvent que la calomnie, le mensonge, la malhonnêteté et l'injustice – le péché – ont le dessus. Après tout, la foi triomphe-t-elle du mal, du péché et de l'iniquité ? La réponse est affirmative; la vie et la mort de Jésus sont la preuve éternelle que la vérité de la bonté et la foi des créatures dirigées par l'esprit seront toujours justifiées. Des spectateurs se gaussèrent de Jésus sur la croix en disant : “ Voyons si Dieu va venir le délivrer. ” Le jour de la crucifixion parut sombre, mais le matin de la résurrection fut glorieusement clair, et le jour de la Pentecôte fut encore plus brillant et joyeux. Les religions de désespoir pessimiste cherchent à se libérer des fardeaux de la vie; elles souhaitent ardemment l'anéantissement dans un sommeil et un repos sans fin. Ce sont les religions de la peur et de la crainte primitives. La religion de Jésus est un nouvel évangile de foi à proclamer à l'humanité qui se débat. Cette religion nouvelle est fondée sur la foi, l'espérance et l'amour.
La vie de mortel avait porté à Jésus ses coups les plus durs, les plus cruels et les plus sévères; et cet être humain avait fait face à ces situations désespérantes avec foi et courage, et avec la détermination inébranlable de faire la volonté de son Père. Jésus affronta la vie dans toute sa terrible réalité, et la maitrisa – même jusque dans la mort. Il ne se servit pas de la religion pour se libérer de la vie. La religion de Jésus ne cherche pas à échapper à cette vie pour jouir d'une félicité qui vous attend dans une autre existence. La religion de Jésus procure la joie et la paix d'une nouvelle existence spirituelle qui rehausse et ennoblit la vie que les êtres humains vivent actuellement dans la chair.
Si une religion est un opium pour le peuple, elle n'est pas la religion de Jésus. Sur la croix, il refusa de boire le narcotique. Son esprit, répandu sur toute chair, est une puissante influence mondiale qui élève l'être humain et le pousse à progresser. L'impulsion vers le progrès spirituel est la force motrice la plus puissante présente dans le monde. Les croyants qui apprennent la vérité sont les seules âmes progressives et dynamiques sur Terre.
Le jour de la Pentecôte, la religion de Jésus rompit toutes les restrictions nationales et entraves raciales. Il est éternellement vrai que “ là où se trouve l'esprit du Seigneur, là est la liberté ”. Ce jour-là, l'Esprit de Vérité devint le don personnel du Maitre à chaque mortel. Cet esprit fut effusé afin de qualifier les croyants pour prêcher plus efficacement l'évangile du royaume, mais ils commirent l'erreur de prendre l'expérience de recevoir l'esprit ainsi répandu pour une partie du nouvel évangile qu'inconsciemment ils formulaient.
Tenez compte du fait que l'Esprit de Vérité fut effusé sur tous les croyants sincères, et que les apôtres ne furent pas les seuls bénéficiaires de ce don de l'esprit. Les cent-vingt hommes et femmes assemblés dans la salle du haut reçurent tous le nouvel instructeur, aussi bien que tous les coeurs honnêtes du monde entier. Ce nouvel instructeur fut effusé sur l'humanité, et chaque âme le reçut selon son propre amour de la vérité et sa propre aptitude à saisir et à comprendre les réalités spirituelles. Enfin, la vraie religion est libérée de l'emprise des prêtres et de toutes les classes sacrées, et trouve sa manifestation réelle dans l'âme individuelle des êtres humains.
La religion de Jésus encourage le type le plus élevé de civilisation humaine, en ce sens qu'elle crée le type le plus élevé de personnalité spirituelle et proclame le caractère sacré de cette personne.
La venue de l'Esprit de Vérité à la Pentecôte rendit possible une religion qui n'est ni radicale ni conservatrice; elle n'est ni l'ancienne, ni la nouvelle; elle ne doit être dominée ni par les vieux ni par les jeunes. Le fait de la vie terrestre de Jésus fournit un point d'appui pour l'ancre du temps, tandis que l'effusion de l'Esprit de Vérité assure l'expansion perpétuelle et la croissance indéfinie de la religion que Jésus a vécue et de l'évangile qu'il a proclamé. L'esprit guide dans toute la vérité. Il enseigne l'expansion et la croissance constantes d'une religion de progrès sans fin et de révélation divine. Ce nouvel instructeur dévoilera perpétuellement aux croyants cherchant la vérité ce qui était si divinement contenu dans la personne et la nature du Fils de l'Homme.
Les manifestations associées à l'effusion du “ nouvel instructeur ” et l'accueil fait aux sermons des apôtres par les êtres humains des diverses races et nations, réunis à Jérusalem, dénotent l'universalité de la religion de Jésus. L'évangile du royaume ne devait être identifié avec aucune race, culture ou langue particulière. Le jour de la Pentecôte marqua le grand effort de l'esprit pour libérer la religion de Jésus des entraves juives dont elle avait hérité. Même après cette démonstration où l'esprit fut répandu sur toute chair, les apôtres s'efforcèrent d'abord d'imposer à tous leurs convertis les exigences du judaïsme. Paul lui-même eut des difficultés avec ses frères de Jérusalem parce qu'il refusait de soumettre les Gentils à ces pratiques juives. Nulle religion révélée ne peut se répandre dans le monde entier si elle commet la grave erreur de se laisser imprégner par une culture nationale, ou associer à des pratiques raciales, économiques ou sociales déjà établies.
L'effusion de l'Esprit de Vérité fut indépendante de toute forme, cérémonie, lieu sacré et comportement spécial de ceux qui reçurent la plénitude de sa manifestation. Au moment où l'esprit vint sur les personnes assemblées dans la salle du haut, elles étaient simplement assises là et venaient de se plonger dans une prière silencieuse. L'esprit fut effusé à la campagne aussi bien qu'à la ville. Il n'était pas nécessaire pour les apôtres de se retirer dans la solitude pendant des années de méditation solitaire afin de recevoir l'esprit. La pentecôte dissocie à jamais l'idée d'expérience spirituelle de la notion d'un environnement spécialement favorable.
La Pentecôte, avec sa dotation spirituelle, était destinée à détacher pour toujours la religion du Maitre de toute subordination à la force physique. Les éducateurs de cette nouvelle religion sont désormais munis d'armes spirituelles; ils doivent partir à la conquête du monde avec une indulgence qui ne se dément jamais, une bonne volonté incomparable et un amour abondant. Ils sont équipés pour triompher du mal par le bien, pour vaincre la haine par l'amour, pour anéantir la peur avec une foi vivante et courageuse dans la vérité. Jésus avait déjà enseigné à ceux qui le suivaient que sa religion n'était jamais passive; ses disciples devaient toujours être actifs et positifs dans leur ministère de miséricorde et dans leurs manifestations d'amour. Ces croyants ne regardaient plus Yahweh comme “ le Seigneur des Armées ”. Ils considéraient maintenant la Déité éternelle comme le “ Dieu et Père du Seigneur Jésus-Christ ”. Ils firent au moins ce progrès-là, même si, dans une certaine mesure, ils n'arrivèrent pas à comprendre totalement la vérité que Dieu est aussi le Père spirituel de chaque individu.
La Pentecôte dota l'être humain mortel du pouvoir de pardonner les blessures personnelles, de supporter avec douceur les pires injustices, de rester impassibles en face de dangers effrayants et de défier les maux de la haine et de la colère par des actes intrépides d'amour et de longanimité. Au cours de son histoire, la Terre a subi les ravages de grandes guerres dévastatrices. Tous les participants à ces conflits terribles ont rencontré la défaite. Il n'est resté qu'un seul vainqueur, un seul rescapé de ces luttes acharnées, ayant accru sa renommée – Jésus de Nazareth avec son évangile de triomphe sur le mal par le bien. Le secret d'une meilleure civilisation est inclus dans les enseignements du Maitre sur la fraternité des êtres humains, la bonne volonté de l'amour et de la confiance mutuelle.
Jusqu'à la Pentecôte, la religion n'avait révélé que l'être humain à la recherche de Dieu; depuis la Pentecôte, l'être humain recherche encore Dieu, mais on voit aussi briller sur le monde le spectacle de Dieu recherchant l'être humain et envoyant son esprit demeurer en lui quand il l'a trouvé.
Avant les enseignements de Jésus, qui atteignirent leur apogée à la Pentecôte, les femmes n'étaient que peu ou pas du tout considérées du point de vue spirituel dans les doctrines des anciennes religions. Après la Pentecôte et dans la fraternité du royaume, la femme se trouva devant Dieu sur un pied d'égalité avec l'homme. Parmi les cent-vingt personnes qui reçurent cette visitation spéciale de l'esprit, se trouvaient beaucoup de femmes disciples qui eurent, dans ces bénédictions, une part égale à celle des croyants masculins. Les hommes ne peuvent plus prétendre monopoliser le ministère du service religieux. Les pharisiens pouvaient continuer à remercier Dieu de n'être pas “ nés femmes, lépreux ou Gentils ”, mais, parmi les fidèles de Jésus, les femmes ont été définitivement libérées de toute discrimination religieuse basée sur le sexe. La Pentecôte a effacé toute séparation religieuse fondée sur des distinctions raciales, des différences culturelles, des castes sociales ou des préjugés concernant le sexe. Il n'est pas surprenant que ces croyants à la nouvelle religion se soient écriés : “ Là où se trouve l'esprit du Seigneur, là est la liberté. ”
La mère et un frère de Jésus se trouvaient tous deux parmi les cent-vingt croyants. En tant que membres de ce groupe commun de disciples, ils reçurent également l'esprit répandu. Ils ne reçurent pas de ce don béni une plus grande part que leurs compagnons. Aucun don spécial ne fut conféré aux membres de la famille terrestre de Jésus. La Pentecôte marqua la fin des prêtrises spéciales et de toute croyance à des familles sacrées.
Avant la Pentecôte, les apôtres avaient renoncé à bien des choses pour Jésus. Ils avaient sacrifié leur foyer, leur famille, leurs amis, leurs biens terrestres et leur situation. Lors de la Pentecôte, ils se donnèrent à Dieu, et le Père et le Fils répondirent en se donnant eux-mêmes aux êtres humains – en envoyant leurs esprits vivre dans les êtres humains. Cette expérience consistant à perdre le moi et à trouver l'esprit ne fut pas une expérience émotionnelle; elle fut un acte de reddition intelligente du moi et de consécration sans réserve.
La Pentecôte fut l'appel à l'unité spirituelle parmi les croyants à l'évangile. Quand l'esprit descendit sur les disciples à Jérusalem, la même chose se produisit à Philadelphie, à Alexandrie et en tous les autres lieux où demeuraient des croyants sincères. Il fut littéralement vrai “ qu'il n'y avait qu'un seul coeur et une seule âme parmi la multitude des croyants ”. La religion de Jésus est la plus puissante influence unificatrice que le monde ait jamais connue.
La Pentecôte était destinée à diminuer l'outrecuidance d'individus, de groupes, de nations et de races – cet esprit d'outrecuidance dont la tension croit au point qu'il se déchaine périodiquement en guerres dévastatrices. Seule une approche spirituelle peut unifier l'humanité, et l'Esprit de Vérité est une influence mondiale universelle.
La venue de l'Esprit de Vérité purifie le coeur humain et conduit ses bénéficiaires à formuler un but de vie unifié avec la Volonté de Dieu et le bien-être des êtres humains. L'esprit d'égoïsme matériel a été englouti dans ce nouveau don spirituel d'altruisme. La Pentecôte, à cette époque comme maintenant, signifie que le Jésus historique est devenu le Fils divin d'expérience vivante. Quand la joie de cet esprit répandu est éprouvée consciemment dans la vie humaine, elle est un tonique pour la santé, un stimulant pour le mental et une énergie inépuisable pour l'âme.
Ce n'est pas la prière qui fit descendre l'esprit le jour de la Pentecôte, mais elle contribua beaucoup à déterminer la capacité réceptive qui caractérisa les croyants individuels. La prière n'incite pas le coeur divin à s'effuser libéralement, mais bien souvent la prière creuse des chenaux plus larges et plus profonds par lesquels les dons divins peuvent affluer vers le coeur et l'âme de ceux qui se souviennent ainsi de maintenir, par la prière sincère et la véritable adoration, une communion ininterrompue avec leur Auteur.
Quand les ennemis de Jésus s'emparèrent aussi soudainement de Jésus et le crucifièrent si rapidement entre deux voleurs, ses apôtres et ses disciples furent complètement démoralisés. La pensée que le Maitre avait été arrêté, lié, flagellé et crucifié était plus que ne pouvaient supporter les apôtres eux-mêmes. Ils oublièrent ses enseignements et ses avertissements. Jésus pouvait bien avoir été “ un prophète puissant en paroles et en oeuvres devant Dieu et tout le peuple ”, mais il ne pouvait guère être le Messie dont ils avaient espéré qu'il restaurerait le royaume d'Israël.
Vient alors la résurrection qui délivre les apôtres du désespoir et rétablit leur foi dans la divinité du Maitre. À maintes reprises, ils le voient et lui parlent, et il les emmène sur le mont des Oliviers où il leur dit adieu et leur annonce qu'il retourne auprès du Père. Il leur a recommandé de demeurer à Jérusalem jusqu'à ce qu'ils soient dotés de pouvoir – jusqu'à ce que vienne l'Esprit de Vérité. Et le jour de la Pentecôte, ce nouvel instructeur arrive, et les apôtres sortent immédiatement pour prêcher leur évangile avec une nouvelle puissance. Ils sont les disciples audacieux et courageux d'un Seigneur vivant, et non d'un chef défunt et vaincu. Le Maitre vit dans le coeur de ces évangélistes. Dieu n'est plus une doctrine dans leur mental; il est devenu une présence vivante dans leur âme.
“ Jour après jour, ils persévéraient d'un commun accord dans le temple et rompaient le pain à la maison. Ils prenaient leur nourriture avec joie et unité de coeur, louant Dieu et ayant la faveur de tout le peuple. Ils étaient tous remplis de l'esprit et proclamaient la parole de Dieu avec audace. Et la foule des croyants n'avait qu'un coeur et qu'une âme; aucun d'eux ne disait que les biens qu'il possédait lui appartenaient en propre, et ils avaient toutes choses en commun. ”
Qu'est-il arrivé à ces êtres humains que Jésus a ordonnés pour aller prêcher l'évangile du royaume, la paternité de Dieu et la fraternité des êtres humains ? Ils ont un nouvel évangile; ils brulent d'une nouvelle expérience; ils sont pleins d'une nouvelle énergie spirituelle. Leur message a soudain changé pour devenir la proclamation du Christ ressuscité : “ Jésus de Nazareth, cet être humain que Dieu approuva par des oeuvres puissantes et des prodiges, qui a été livré conformément au conseil précis et selon la pré-connaissance de Dieu, vous l'avez crucifié et fait périr. Il a ainsi accompli les choses que Dieu avait annoncées longtemps d'avance par la bouche de tous les prophètes. C'est ce Jésus que Dieu a ressuscité. Dieu l'a fait à la fois Seigneur et Christ. Ayant été élevé à la droite de Dieu, et ayant reçu du Père la promesse de l'esprit, il a répandu ce que vous voyez et entendez. Repentez-vous, pour que vos péchés puissent être effacés, pour que le Père puisse envoyer le Christ, qui a été désigné pour vous, Jésus lui-même, que les cieux doivent recevoir jusqu'au jour du rétablissement de toutes choses. ”
L'évangile du royaume, le message de Jésus, venait d'être changé subitement en évangile du Seigneur Jésus-Christ. Les apôtres proclamaient maintenant les faits de sa vie, de sa mort et de sa résurrection, et prêchaient l'espoir qu'il reviendrait rapidement sur ce monde pour achever l'oeuvre qu'il avait commencée. Le message des premiers croyants concernait donc la prédication au sujet des faits de sa première venue et l'enseignement de l'espérance de sa seconde venue, évènement qu'ils estimaient devoir survenir à très bref délai.
Le Christ allait devenir le credo de l'Église qui se formait rapidement : Jésus est vivant; il est mort pour les êtres humains; il a donné l'esprit; il revient. Jésus remplissait toutes les pensées des disciples et déterminait tous leurs nouveaux concepts sur Dieu et sur tout le reste. Ils étaient trop enthousiastes de la nouvelle doctrine où “ Dieu est le Père du Seigneur Jésus ” pour se soucier de l'ancien message où “ Dieu est le Père aimant de tous les êtres humains ”, et même de chaque personne prise individuellement. Il est vrai qu'une merveilleuse manifestation d'amour fraternel et de bonne volonté sans pareille prit naissance dans ces communautés primitives de croyants, mais elles représentaient des communautés de croyants en Jésus, et non une communauté de frères et soeurs dans le royaume familial du Père qui est aux cieux. Leur bonne volonté provenait de l'amour né du concept de l'effusion de Jésus, et non de la récognition de la fraternité des mortels. Néanmoins, leurs membres étaient remplis de joie et vivaient une vie si nouvelle et si exceptionnelle que tous les êtres humains étaient attirés par leurs enseignements au sujet de Jésus. Ils commirent la grande erreur d'utiliser le commentaire vivant et illustré de l'évangile du royaume au lieu de cet évangile lui-même, mais même cela représentait la plus grande religion que l'humanité ait connue jusqu'alors.
De toute évidence, une nouvelle communauté naissait dans le monde. “ La multitude qui croyait persévérait dans la doctrine et la communion des apôtres, rompant le pain et priant. ” Ils s'appelaient les uns les autres frère et soeur; ils se saluaient d'un saint baiser; ils soignaient les pauvres. C'était une communauté de vie aussi bien que d'adoration; elle ne résultait pas d'un décret, mais du désir de partager leurs biens avec leurs compagnons croyants. Ils espéraient avec confiance que, durant leur génération, Jésus reviendrait parachever l'établissement du royaume du Père. Ce partage spontané des possessions terrestres n'était pas une caractéristique directe de l'enseignement de Jésus; il résulta de la sincérité et de la confiance avec laquelle ces hommes et ces femmes croyaient que le Maitre allait revenir incessamment pour achever son oeuvre et instaurer le royaume. Mais les résultats finals de cette expérience bien intentionnée d'amour fraternel inconsidéré furent désastreux et générateurs de chagrins. Des milliers de croyants sincères vendirent leurs propriétés et distribuèrent tous leurs capitaux et autres actifs rentables. Avec le temps, les ressources du “ partage égal ” chrétien s'amenuisèrent et finirent par s'épuiser – mais la vie continuait. Au bout de très peu de temps, les croyants d'Antioche firent des collectes pour empêcher leurs co-réligionnaires de Jérusalem de mourir de faim.
À cette époque, les croyants célébraient le souper du Seigneur de la manière dont il avait été établi, c'est-à-dire qu'ils se rassemblaient pour un repas collectif de bonne communion et prenaient part au sacrement à la fin du repas.
Au début, ils baptisèrent au nom de Jésus; c'est seulement au bout d'une vingtaine d'années qu'ils commencèrent à baptiser “ au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ”. On n'exigeait rien d'autre que le baptême pour l'admission à la communauté des croyants; celle-ci n'avait pas encore d'organisation; elle était simplement la fraternité de Jésus.
Cette secte de Jésus grandissait rapidement et, une fois de plus, les sadducéens leur prêtèrent attention. Les pharisiens s'inquiétaient peu de la situation, voyant qu'aucun des enseignements n'interférait en quoi que ce soit avec l'observance des lois juives. Mais les sadducéens commencèrent à mettre en prison les dirigeants de la secte de Jésus, jusqu'au moment où Gamaliel, l'un des principaux rabbis, les amena à accepter ses recommandations : “ Abstenez-vous de toucher à ces êtres humains et laissez-les tranquilles, car, si ce dessein ou cette oeuvre vient des êtres humains, il sera anéanti; mais, s'il vient de Dieu, vous ne pourrez pas les détruire, et peut-être même vous trouverez-vous en conflit avec Dieu. ” Les sadducéens décidèrent de suivre l'avis de Gamaliel, et il s'ensuivit une période de paix et de tranquillité à Jérusalem, durant laquelle le nouvel évangile à propos de Jésus se répandit rapidement.
Tout se passa donc bien à Jérusalem jusqu'au moment où des Grecs arrivèrent en grand nombre d'Alexandrie. Deux élèves de Rodan vinrent à Jérusalem et firent de nombreuses conversions chez les Hellénistes. Parmi les premiers se trouvaient Étienne et Barnabas. Ces Grecs compétents ne partageaient pas tellement le point de vue des Juifs, et ne se conformaient pas si bien au mode d'adoration des Juifs ni à certaines de leurs pratiques cérémonielles. Ce furent les agissements de ces croyants grecs qui mirent fin aux rapports pacifiques entre la fraternité de Jésus d'une part, et les pharisiens et sadducéens d'autre part. Étienne et son associé grec commencèrent à faire des sermons plus conformes à l'enseignement de Jésus, ce qui provoqua un conflit immédiat avec les dirigeants juifs. Au cours d'un sermon public, quand Étienne atteignit la partie de son discours jugée répréhensible, ils se dispensèrent de toute formalité juridique et le lapidèrent à mort sur place.
Étienne, chef de la colonie grecque des croyants en Jésus à Jérusalem, devint ainsi le premier martyr de la foi nouvelle et la cause spécifique de l'organisation officielle de l'Église chrétienne primitive. En effet, les croyants firent face à cette nouvelle crise en constatant qu'ils ne pouvaient plus prolonger leur statut de secte intérieure de la religion juive. Ils convinrent tous qu'il fallait se séparer des incroyants. Un mois après la mort d'Étienne, l'Église de Jérusalem avait été organisée sous la direction de Pierre, et Jacques, le frère de Jésus, en avait été nommé chef titulaire.
Alors éclatèrent les nouvelles et implacables persécutions par les Juifs, de sorte que les éducateurs actifs de la nouvelle religion à propos de Jésus, religion que l'on appela ultérieurement christianisme à Antioche, se dispersèrent jusqu'aux confins de l'empire en proclamant Jésus. Avant l'époque de Paul, ce furent donc des Grecs qui dirigèrent la diffusion du message. Ces premiers missionnaires, ainsi d'ailleurs que les suivants, reprirent l'itinéraire autrefois suivi par Alexandre, allant à Antioche par Gaza et Tyr, et de là en Macédoine par l'Asie Mineure, puis à Rome et dans les parties les plus lointaines de l'empire.
Après la Pentecôte
Les résultats de la prédication de Pierre, le jour de la Pentecôte, eurent une influence décisive sur la politique future et les plans de la majorité des apôtres dans leurs efforts pour proclamer l'évangile du royaume. Pierre fut le véritable fondateur de l'Église chrétienne; Paul apporta le message chrétien aux Gentils et les croyants grecs le propagèrent dans tout l'empire romain.Liés par la tradition et tyrannisés par les prêtres, les Hébreux, en tant que peuple, refusèrent d'accepter soit l'évangile de Jésus sur la paternité de Dieu et la fraternité des êtres humains, soit la proclamation de Pierre et de Paul sur la résurrection et l'ascension du Christ (le christianisme ultérieur); par contre, le reste de l'empire romain fut réceptif aux enseignements chrétiens en évolution. À cette époque, la civilisation occidentale était intellectuelle, fatiguée de la guerre et complètement sceptique sur toutes les religions existantes et les philosophies universelles. Les peuples du monde occidental, bénéficiaires de la culture grecque, avaient une tradition révérée d'un grand passé. Ils pouvaient contempler un héritage de grands accomplissements en philosophie, en art, en littérature et en progrès politiques. Mais, malgré tous ces accomplissements, ils n'avaient pas de religion satisfaisante pour l'âme. Leurs profonds désirs spirituels restaient insatisfaits.
C'est sur une telle scène de la société humaine que les enseignements de Jésus contenus dans le message chrétien furent soudainement projetés. Un nouvel ordre de vie fut ainsi présenté aux coeurs affamés de ces peuples occidentaux. Cette situation impliquait un conflit immédiat entre les anciennes pratiques religieuses et la nouvelle version christianisée du message de Jésus au monde. Ce conflit devait se terminer soit par une nette victoire des anciennes ou des nouvelles croyances, soit par une sorte de compromis. L'histoire montre que la lutte se termina par un compromis. Le christianisme eut l'ambition d'embrasser un programme trop étendu pour qu'un peuple quelconque puisse l'assimiler dans l'espace d'une ou deux générations. Ce programme n'était pas un simple appel spirituel tel que Jésus l'avait présenté à l'âme des êtres humains. De bonne heure, le christianisme prit nettement position sur les rituels religieux, l'éducation, la magie, la médecine, l'art, la littérature, la loi, le gouvernement, la morale, la réglementation sexuelle, la polygamie et même, dans une mesure limitée, sur l'esclavage. Le christianisme n'émergea pas simplement comme une nouvelle religion – chose que tout l'empire romain et tout l'orient attendaient – mais comme un nouvel ordre de la société humaine. Alors, très vite cette prétention précipita le conflit socio-moral des âges. Les idéaux de Jésus, tels qu'ils furent réinterprétés par la philosophie grecque et socialisés dans le christianisme, défiaient maintenant audacieusement les traditions de la race humaine incorporés dans l'éthique, la moralité et les religions de la civilisation occidentale.
Au début, le christianisme ne fit de conversions que dans les couches inférieures des milieux sociaux et économiques. Mais, dès le commencement du deuxième siècle, l'élite de la culture gréco-romaine s'orienta de plus en plus vers ce nouvel ordre de croyance chrétienne, ce nouveau concept de la raison de vivre et du but de l'existence.
Comment ce nouveau message d'origine juive, qui avait presque échoué dans son pays natal, put-il capter si vite et si efficacement le mental des élites de l'empire romain ? Le triomphe du christianisme sur les religions philosophiques et les cultes des mystères fut dû aux facteurs suivants :
Toutefois, les chrétiens conclurent un marché judicieux avec les païens, en ce sens qu'ils adoptèrent l'apparat du rituel païen tout en obligeant les païens à accepter la version hellénisée du christianisme paulinien. Ils transigèrent plus heureusement avec le paganisme qu'avec le culte mithriaque, mais, même dans ce compromis initial, ils sortirent plus que vainqueurs, en ce sens qu'ils réussirent à éliminer les grossières immoralités ainsi que nombre d'autres pratiques répréhensibles des mystères persans.
À tort ou à raison, les premiers dirigeants du christianisme compromirent délibérément les idéaux de Jésus dans un effort pour sauver et propager beaucoup de ses idées. Et ils remportèrent de grands succès. Mais ne nous y trompons pas ! Les idéaux compromis du Maitre restent latents dans son évangile et finiront par affirmer leurs pleins pouvoirs sur le monde.
Par cette paganisation du christianisme, l'ancien ordre de choses gagna nombre de victoires mineures de nature ritualiste, mais les chrétiens prirent l'ascendant en ce sens que :
- Ils firent résonner dans la morale humaine une nouvelle note d'un diapason infiniment plus élevé.
- Ils donnèrent au monde un nouveau concept considérablement élargi de Dieu.
- L'espoir de l'immortalité devint une partie de l'assurance d'une religion reconnue.
- Jésus de Nazareth fut offert à l'âme affamée des êtres humains.
L'héllénisation du christianisme commença réellement le jour mémorable où l'apôtre Paul se présenta devant le conseil de l'aréopage d'Athènes et parla aux Athéniens du “ Dieu inconnu ”. Là, à l'ombre de l'Acropole, ce citoyen romain proclama aux Grecs sa version de la nouvelle religion qui avait pris naissance dans le pays juif de Galilée. La philosophie grecque et nombre d'enseignements de Jésus présentaient d'étranges similitudes. Ils avaient un but commun – tous deux visaient à l'émergence de l'individu, les Grecs, à son émergence sociale et politique; Jésus à son émergence morale et spirituelle. Les Grecs enseignaient le libéralisme intellectuel conduisant à la liberté politique; Jésus enseignait le libéralisme spirituel conduisant à la liberté religieuse. L'union de ces deux idées formait une nouvelle et puissante charte de la liberté humaine; elle laissait présager la liberté sociale, politique et spirituelle de l'être humain.
Le christianisme prit naissance et triompha de toutes les religions opposantes pour deux raisons principales :
- Le mental grec était disposé à emprunter de bonnes idées nouvelles, même aux Juifs.
- Paul et ses successeurs étaient prêts à des compromis, mais à des compromis astucieux et sagaces; ils étaient de fins négociateurs en matière de théologie.
Les Grecs révéraient la beauté et les Juifs, la sainteté, mais les deux peuples aimaient la vérité. Durant des siècles, les Grecs avaient sérieusement médité et sincèrement discuté tous les problèmes humains – sociaux, économiques, politiques et philosophiques – sauf la religion. Rares étaient les Grecs qui avaient vraiment prêté attention à la religion; ils ne prenaient même pas leur propre religion très au sérieux. Pendant des siècles, les Juifs avaient négligé les autres domaines de la pensée en consacrant leur attention à la religion. Ils prenaient leur religion très sérieusement, trop sérieusement même. Éclairé par le contenu du message de Jésus, le produit unifié des siècles de pensée de ces deux peuples devint alors le moteur d'un nouvel ordre social humain et, dans une certaine mesure, d'un nouvel ordre humain de croyances et de pratiques religieuses.
À l'époque où Alexandre répandit la philosophie helléniste dans le Proche Orient, l'influence de la culture grecque avaient déjà pénétré les pays de la Méditerranée Occidentale. Tant qu'ils habitèrent de petites cités-États, les Grecs eurent de bons résultats avec leur religion et leur politique, mais, quand le roi de Macédoine osa faire de la Grèce un empire s'étendant de l'Adriatique à l'Indus, les difficultés commencèrent. L'art et la philosophie de la Grèce étaient parfaitement à la hauteur de l'expansion impériale, mais on ne saurait en dire autant de son administration politique ni de sa religion. Après que les cités-États de Grèce se furent développées en un empire, leurs dieux plutôt paroissiaux semblèrent un peu bizarres. Les Grecs étaient vraiment à la recherche d'un Dieu unique, d'un Dieu plus grand et meilleur, lorsque la version christianisée de l'ancienne religion juive leur parvint.
En tant que tel, l'Empire hellène ne pouvait durer. Son emprise culturelle continua, mais ne subsista qu'après avoir acquis de l'Occident le génie politique romain pour l'administration d'un empire, et après avoir obtenu de l'Orient une religion dont le Dieu unique possédait une dignité impériale.
Au premier siècle après le Christ, la culture grecque avait déjà atteint son apogée; sa régression avait commencé; l'instruction augmentait, mais le génie déclinait. Ce fut à cette époque précise que les idées et idéaux de Jésus, partiellement incorporés dans le christianisme, devinrent une partie de la culture et de l'instruction grecques qui purent être sauvées.
Alexandre avait foncé sur l'Orient avec le don de la civilisation grecque; Paul prit d'assaut l'Occident avec la version chrétienne de l'évangile de Jésus. Dans toutes les parties de l'Occident où la culture grecque prévalut, le christianisme hellénisé prit racine.
La version orientale du message de Jésus, bien qu'elle demeurât plus fidèle aux enseignements du Maitre, continua de suivre l'attitude intransigeante d'Abner. Elle ne progressa jamais comme la version hellénisée, et finit par se perdre dans le mouvement islamique.
Les Romains adoptèrent en bloc la culture grecque en substituant des gouvernements représentatifs aux gouvernements par tirage au sort. Ces changements ne tardèrent pas à favoriser le christianisme, en ce sens que Rome introduisit, dans tout le monde occidental, une tolérance nouvelle pour des langues, des populations et même des religions étrangères.
À Rome, une grande partie des premières persécutions contre les chrétiens fut motivée uniquement par l'emploi malencontreux du mot “ royaume ” dans leurs prédications. Les Romains toléraient toutes les religions et n'importe laquelle, mais ne supportaient rien de ce qui avait un air de rivalité politique. Aussi, quand ces premières persécutions religieuses – si largement dues à des malentendus – prirent fin, le champ de la propagande religieuse se trouva largement ouvert. Le Romain s'intéressait à l'administration politique; il s'intéressait peu à l'art et à la religion, mais il était exceptionnellement tolérant pour les deux.
La loi orientale était sévère et arbitraire; la loi grecque était fluide et artistique; la loi romaine avait de la dignité et imposait le respect. L'éducation romaine engendrait une fidélité incomparable et impassible. Les premiers Romains étaient des individus politiquement dévoués et sublimement consacrés. Ils étaient honnêtes, zélés et dévoués à leurs idéaux, mais sans religion digne de ce nom. Il n'est guère étonnant que leurs éducateurs grecs aient pu les persuader d'accepter le christianisme de Paul.
Et ces Romains étaient un grand peuple. Ils purent gouverner l'Occident parce qu'ils se gouvernaient eux-mêmes. Une telle honnêteté sans précédent, une telle consécration et une telle maitrise résolue de soi formaient un terrain idéal pour la réception et la croissance du christianisme.
Il était facile à ces Gréco-Romains de devenir tout aussi dévoués spirituellement à une Église institutionnelle qu'ils l'étaient politiquement à l'État. Les Romains ne combattirent l'Église qu'au moment où ils craignirent qu'elle ne fît concurrence à l'État. Ayant peu de philosophie nationale ou de culture indigène, Rome reprit à son compte la culture grecque et adopta hardiment l'enseignement du Christ comme philosophie morale. Le christianisme devint la culture morale de Rome, mais ne devint guère sa religion dans le sens d'une expérience individuelle de croissance spirituelle pour ceux qui embrassèrent le nouveau culte d'une manière aussi globale. Il est vrai qu'un bon nombre d'individus pénétrèrent sous la superficialité de toute cette religion d'État, et trouvèrent, pour nourrir leur âme, les vraies valeurs des significations cachées contenues dans les vérités latentes du christianisme hellénisé et paganisé.
Le stoïcien, et son vigoureux appel “ à la nature et à la conscience ” n'avait que mieux préparé tout Rome à recevoir le Christ, au moins dans un sens intellectuel. Le Romain était un juriste par nature et par éducation; il révérait même les lois de la nature. Et maintenant, dans le christianisme, il discernait les lois de Dieu dans les lois de la nature. Un peuple qui pouvait produire un Cicéron et un Virgile était mûr pour le christianisme hellénisé de Paul.
C'est ainsi que ces Grecs romanisés forcèrent à la fois les Juifs et les chrétiens à rendre philosophique leur religion, à en coordonner les idées, à rendre systématiques ses idéaux et à adapter les pratiques religieuses au courant de vie existant. Tout ceci fut immensément aidé par la traduction en grec des Écritures hébraïques et par la rédaction ultérieure en langue grecque du Nouveau Testament.
Contrairement aux Juifs et à de nombreux autres peuples, les Grecs avaient depuis longtemps cru provisoirement à l'immortalité, à une sorte de survie après la mort. Or, c'était l'essence de l'enseignement de Jésus; il était donc certain que le christianisme exercerait sur eux un puissant attrait.
Une succession de victoires de la culture grecque et de la politique romaine avait consolidé les pays méditerranéens eu un seul empire, avec une seule langue et une seule culture, de sorte que le monde occidental était prêt pour un seul Dieu. Le judaïsme fournissait ce Dieu, mais le judaïsme en tant que religion était inacceptable pour les Grecs romanisés. Philon en aida quelques-uns à mitiger leurs objections, mais le christianisme leur révéla un concept encore meilleur d'un Dieu unique, et ils l'adoptèrent volontiers.
Après la consolidation de la souveraineté politique romaine et la propagation du christianisme, les chrétiens se trouvèrent avec un seul Dieu, un grand concept religieux, mais sans empire. Les Gréco-Romains se trouvèrent avec un grand empire, mais sans un Dieu qui puisse de manière satisfaisante servir de concept religieux pour le culte d'un empire et pour son unification spirituelle. Les chrétiens acceptèrent l'empire, et l'empire adopta le christianisme. Les Romains fournirent une unité de gouvernement politique, les Grecs, une unité de culture et d'instruction, et le christianisme, une unité de pensée et de pratique religieuses.
Rome triompha de la tradition du nationalisme par un universalisme impérial. Pour la première fois dans l'histoire, elle rendit possible à différentes races et nations d'accepter, au moins nominalement, une même religion.
Le christianisme gagna la faveur de Rome à un moment de lutte ardente entre les vigoureux enseignements des stoïciens et les promesses de salut du culte des mystères. Le christianisme apporta une consolation reposante et un pouvoir libérateur à un peuple spirituellement affamé, dont le langage ne comportait pas de mot signifiant “ désintéressement ”.
Le christianisme tira son plus grand pouvoir de la manière dont ses croyants vécurent une vie de service, et même de la manière dont ils moururent pour leur foi durant les premiers temps de persécutions rigoureuses.
L'enseignement concernant l'amour du Christ pour les enfants mit bientôt fin à la pratique généralisée d'exposer les enfants qui n'étaient pas désirés, et particulièrement les filles.
Les premières formes de culte chrétien furent largement copiées sur celles des synagogues juives, modifiées par le rituel mithriaque. Plus tard, on y ajouta beaucoup d'apparat païen. Les Grecs christianisés, prosélytes du judaïsme, formaient l'ossature de l'Église chrétienne primitive.
Le deuxième siècle après le Christ fut le meilleur temps de toute l'histoire du monde pour qu'une bonne religion puisse progresser dans le monde occidental. Durant le premier siècle, le christianisme s'était préparé, par des luttes et des compromis, à prendre racine et à se répandre rapidement. Le christianisme adopta l'empereur, et plus tard l'empereur adopta le christianisme. C'était une grande époque pour la diffusion d'une nouvelle religion. On jouissait de la liberté religieuse, les voyages étaient universels et la pensée ne subissait pas d'entraves.
L'élan spirituel donné par l'acceptation nominale du christianisme hellénisé atteignit Rome trop tard pour empêcher son déclin moral bien amorcé ou pour compenser sa dégénérescence raciale déjà bien établie et croissante. Cette nouvelle religion était une nécessité culturelle pour la Rome impériale, et il est extrêmement malheureux qu'elle ne soit pas devenue un moyen de salut spirituel dans un sens plus large.
Même une bonne religion ne put sauver un grand empire des résultats certains du manque de participation des individus aux affaires du gouvernement, d'un excès de paternalisme, d'impôts exagérés comportant des abus grossiers dans leur recouvrement, d'un commerce déséquilibré avec le Levant qui drainait l'or, de la folie des plaisirs, de la standardisation romaine, de l'état dégradant où était tenue la femme, de la décadence raciale et de l'esclavage, des calamités physiques et d'une Église d'État qui devint à tel point une institution qu'elle frisa la stérilité spirituelle.
Les conditions n'étaient cependant pas aussi mauvaises à Alexandrie. Les premières écoles conservèrent beaucoup d'enseignements de Jésus, libres de compromis. Pantène enseigna Clément, puis suivit Nathanael aux Indes en proclamant le Christ. Bien que certains idéaux de Jésus aient été sacrifiés pour bâtir le christianisme, il faut constater en toute équité que, vers la fin du deuxième siècle, la quasi-totalité des grands penseurs du monde gréco-romain était devenue chrétienne. Le triomphe approchait de son parachèvement.
Et cet empire romain dura suffisamment longtemps pour assurer la survie du christianisme même après son propre effondrement. Nous avons souvent cherché à imaginer ce qui serait arrivé à Rome et dans le monde si l'évangile du royaume avait été adopté à la place du christianisme grec.
Auxiliaire de la société et alliée de la politique, l'Église était condamnée à partager le déclin intellectuel et spirituel de ce qu'on appelle les “ âges de ténèbres ” européens. Durant cette époque, la religion prit un caractère de plus en plus monastique, ascétique et réglementaire. Au sens spirituel, le christianisme était en hibernation. À côté de cette religion sommeillante et sécularisée, il exista, durant toute cette période un courant continu de mysticisme, une expérience spirituelle fantastique frisant l'irréel et philosophiquement parente du panthéisme.
Durant ces sombres siècles de désespoir, la religion redevint pratiquement de seconde main. Les individus étaient à peu près perdus devant l'autorité, la tradition et la mainmise de l'Église qui s'étendait sur tout. Une nouvelle menace spirituelle s'éleva par la création d'une galaxie de “ saints ” censés avoir une influence spéciale auprès des tribunaux divins; en conséquence, si l'on savait faire efficacement appel à eux, ils devaient pouvoir intercéder en faveur des êtres humains auprès des Dieux.
Tout en restant impuissant à barrer la route aux âges des ténèbres qui arrivaient, le christianisme était suffisamment socialisé et paganisé pour survivre d'autant mieux à une période prolongée de ténèbres morales et de stagnation spirituelle. Il subsista durant la longue nuit de la civilisation occidentale et agissait encore en tant qu'influence morale dans le monde à l'aurore de la Renaissance. Après l'écoulement des âges de ténèbres, la réhabilitation du christianisme eut pour résultat de faire naître de nombreuses sectes d'enseignement chrétien dont les croyances étaient adaptées à des types spéciaux – intellectuels, émotifs et spirituels – de personnalités humaines. Beaucoup de ces collectivités chrétiennes spéciales, ou familles religieuses, subsistent encore aujourd'hui.
L'histoire montre que le christianisme est né de la transformation involontaire de la religion de Jésus en une religion à propos de Jésus. Elle montre aussi que le christianisme a subi l'hellénisation, la paganisation, la sécularisation, l'institutionnalisme, la dépravation intellectuelle, la décadence spirituelle, l'hibernation morale, les menaces d'extinction, la régénérescence ultérieure, la fragmentation et, plus récemment, une réhabilitation relative. Ce curriculum dénote une vitalité qui lui est inhérente et la possession d'immenses facultés de récupération. Et ce même christianisme est actuellement présent dans le monde civilisé des peuples occidentaux, faisant face à une lutte pour la vie encore plus inquiétante que les mémorables crises caractéristiques de ses anciennes batailles pour la domination.
La religion est aujourd'hui confrontée au défi d'un nouvel âge de mentalité scientifique et de tendances matérialistes. Dans ce gigantesque conflit entre le temporel et le spirituel, la religion de Jésus finira par triompher.
Le vingtième siècle a apporté au christianisme et à toutes les autres religions de nouveaux problèmes à résoudre. Plus une civilisation s'élève, plus s'impose aux êtres humains le devoir impérieux de “ chercher d'abord les réalités célestes ” dans tous leurs efforts pour stabiliser la société et faciliter la solution de ses problèmes matériels.
Bien souvent la vérité devient confuse et même trompeuse quand elle est disséquée, fractionnée, isolée et trop analysée. La vérité vivante ne donne au chercheur un enseignement valable que si elle est embrassée dans sa totalité et en tant que réalité spirituelle vivante; il ne suffit pas qu'elle soit un fait de la science matérielle ou une inspiration d'un art intermédiaire.
La religion est la révélation à l'être humain de sa destinée divine et éternelle. La religion est une expérience purement personnelle et spirituelle; elle doit perpétuellement être distinguée des autres formes supérieures de la pensée humaine telles que :
- L'attitude logique envers les choses de la réalité matérielle.
- L'appréciation esthétique de la beauté par contraste avec la laideur.
- La reconnaissance éthique des obligations sociales et du devoir politique.
- Même le sens de la moralité humaine n'est pas religieux en soi et par lui-même.
Il n'est pas plus possible de maintenir un système social durable sans une moralité fondée sur des réalités spirituelles que de maintenir un système solaire sans la gravité.
N'essayons ni de satisfaire la curiosité ni de contenter tous les désirs latents d'aventure qui surgissent dans l'âme pendant la courte durée d'une vie dans la chair. Soyons patients ! Ne cédons pas à la tentation de nous plonger dans le dérèglement des aventures vulgaires et sordides. Domptons nos énergies et réfrénons nos passions. Soyons calmes en attendant le déroulement majestueux d'une carrière sans fin d'aventures progressives et de découvertes passionnantes.
Dans la confusion sur l'origine de l'être humain, ne perdons pas de vue sa destinée éternelle. N'oublions pas que Jésus aimait même les petits enfants, et qu'il montra, clairement et à tout jamais, la grande valeur de la personnalité humaine.
En observant le monde, rappelons-nous que les taches sombres du mal que nous voyons ressortent sur un arrière-plan clair de bien ultime. Nous ne voyons pas simplement le bien sous forme de taches blanches ressortant misérablement sur un noir arrière-plan de mal.
Quand il y a tant de vérités bonnes à publier et à proclamer, pourquoi les êtres humains devraient-ils prêter tant d'attention au mal dans le monde simplement parce que le mal apparaît comme un fait ? Les belles valeurs spirituelles de la vérité sont plus agréables et exaltantes que le phénomène du mal.
En religion, Jésus recommanda et suivit la méthode de l'expérience, de même que la science moderne poursuit la technique expérimentale. Nous trouvons Dieu par les directives de la clairvoyance spirituelle, mais nous approchons cette clairvoyance de l'âme par l'amour du beau, la poursuite de la vérité, la fidélité au devoir et l'adoration de la divine bonté. Mais, parmi toutes ces valeurs, l'amour est le véritable guide vers la clairvoyance réelle.