Pour tenir tout au long de sa vie, il faut puiser abondamment dans sa source d'énergie, pour son propre usage et pour le bénéfice d'autrui.
La terre porteuse et nourricière est un symbole riche en significations. Le comportement et les actions sont dictés par le sens du devoir, l'acceptation mûrement réfléchie des commandements explicites d'une volonté supérieure. Le principe essentiel est d'exercer réellement et discrètement l'autorité, plutôt que de détenir les attributs apparents et encombrants du pouvoir.
Le principe mâle et le principe femelle engendrent tous les êtres. Au commencement tout est foisonnement désordonné, seul un être humain droit, talentueux et énergique peut imprimer un sens aux évènements. Il montre la direction, il installe un début d'ordre sans chercher en vain à contrôler ou à accomplir, il n'a pas d'états d'âme et n'hésite pas.
Dans le chaos informe les êtres sont fragiles et ignorants. Le grand être humain assume le double rôle d'éducateur et de formateur. En fonction des attitudes et des aptitudes de ses interlocuteurs, il usera de la sévérité et de la douceur. Pour les cas difficiles ou désespérés, il est judicieux pour lui de ne pas perdre inutilement son temps.
Le temps n'est pas encore venu d'agir, il faut en profiter pour se préparer soigneusement. Se restaurer sans excès, subir le repos forcé mais ne pas s'abandonner à l'indolence, rester calme en toutes circonstances et ne pas s'impatienter nerveusement, se constituer un réseau d'amis et d'alliés pour résoudre les difficultés.
Dans l'Histoire les problèmes de nourriture sont à l'origine des conflits et des guerres. Ici le grand être humain est un juge équitable et impartial qui rend la justice. Mais même si la victime est dans son droit, elle doit savoir arrêter les frais à temps et ne pas intenter procès sur procès, car les parties risquent de se retrouver toutes deux perdantes.
Un être humain faible, grâce à ses mérites anciens ou grâce à la faveur du souverain, peut causer de graves ennuis au grand être humain. Celui-ci se trouve dans une position désavantagée, contient son orgueil et ravale sa colère, prend acte de son impossibilité momentanée d'agir librement, console les amis qui partagent le même sort que lui, attend patiemment avec eux le retour de la normale.
Pour régler leurs différends sur les champs de batailles, les souverains mobilisent des forces armées. Le grand être humain tient le destin de son peuple entre ses mains, c'est un général qui se bat pour son pays en défendant une noble cause. Il maîtrise la science militaire et possède l'expérience des combats, détermine la stratégie victorieuse puis, selon l'évolution du sort des armes, avance ou se replie tactiquement, fait appliquer une discipline stricte mais sait aussi récompenser, enrôle les méchants pour combattre l'ennemi mais prend soin de les garder en permanence sous contrôle.
La société est maintenant relativement organisée, les rapports de forces sont établis et reconnus, le temps n'est pas à la contestation systématique mais à l'obéissance aux lois en vigueur et à la conformité aux rites institués. Garder précieusement son innocence première, rester honnête et intègre, ne pas courir des risques injustifiés pour soi-même et pour les siens, ne pas abuser de ses quelques privilèges pour commettre des méfaits.
L'armée est naturellement unie derrière son chef, dans la société le grand être humain doit rassembler les gens autour des valeurs communes et préserver la liberté de pensée et d'expression. L'idéal est de susciter une loyauté et une fidélité basées sur l'admiration et sur la gratitude, plutôt que sur la peur et la contrainte.
Tout va bien, l'abondance s'étale à chaque coin de rue et l'harmonie inspire les êtres, pourtant les grands êtres humains ne doivent pas baisser la garde. Être tolérant envers les gens et les choses, rester déterminé et énergique dans l'action, se préparer à surmonter les malheurs à venir en anticipant sur le futur, s'attacher à l'intérêt général en mettant de côté les intérêts particuliers. Lorsque les besoins fondamentaux sont satisfaits, la folie des grandeurs se répand comme une traînée de poudre. L'euphorie est mauvaise conseillère : Il ne faut pas goûter le bonheur jusqu'au bout, car le danger guette sûrement.
Rien ne dure éternellement, tant de peines et tant de larmes pour concevoir et pour construire, et si peu de temps pour la destruction totale ! Les méchants ont investi le pays et se sont partagé les pleins pouvoirs, les grands êtres humains ont été exilés hors des frontières. Une chape de plomb recouvre la société, la population désespère du présent et de l'avenir, aucune lueur de changement ou d'amélioration ! Tout le monde à l'abri : chacun pour soi.
Après l'effondrement et la crise, la force de l'union. La nécessité de la solidarité trouve enfin un écho favorable, la foi et l'espoir renaissent dans les coeurs. Les grands êtres humains doivent comprendre les besoins du peuple et s'appuyer sur lui pour bâtir un ordre nouveau. Partout la dynamique du succès réapparaît, bien que les tentatives de large rassemblement subissent encore de farouches oppositions.
La splendeur, du fait de la loi de l'impermanence, appelle la modestie. Grâce à elle le grand être humain pourra rester fidèle en amitié comme en amour : Que jusqu'à la fin la relation soit aussi belle qu'au début, c'est cela même la fidélité ! Surtout quand son mérite est reconnu, le grand être humain se fait petit à bon escient. Ne pas chercher des louanges pour son absence d'orgueil, mais ne pas renoncer pour autant à l'exercice de l'autorité ni à l'usage de la force si les circonstances l'exigent.
Les grands êtres humains se sont regroupés et se sont mis à l'ouvrage, les usurpateurs ont été chassés ou sont rentrés dans les rangs. Le vent de la bonne fortune souffle dans toutes les directions et favorise tous les efforts, les humbles comme les puissants goûtent au bien-être, quelques rares privilégiés se croient même dans l'antichambre du paradis, voici le temps de l'apogée.
La pondération favorise l'approbation d'autrui et la réussite des projets. Le succès ne doit pas cependant monter à la tête, car la mollesse et les tergiversations conduiront droit aux regrets amers.
Il ne faut jamais suivre aveuglément, au contraire nous devons peser judicieusement le pour et le contre afin de bien choisir. Comprendre clairement la situation, saisir l'opportunité pour agir efficacement, ne pas gaspiller son énergie pour des causes perdues. Le grand être humain trop puissant se retrouve souvent dans une mauvaise posture : il suscite la jalousie de la cour et éveille des soupçons chez le souverain. Loyauté finalement mal récompensée !
Avec l'usure du temps les meilleures choses dépérissent et requièrent le changement. Ardue la préparation de la réforme ! Les défenseurs de l'ordre ancien refusent toute amélioration, les jeunes impatients exigent la perfection immédiate ! Agir avec force et fermeté, communiquer avec tact et doigté. Lorsque la noble tâche est enfin accomplie, pour devancer l'ingratitude il vaut mieux se retirer sur la pointe des pieds.
Pour s'élever les grands êtres humains doivent se rassembler et s'unir. La confiance en l'avenir et l'audace sont indispensables, de même que le soutien d'un souverain éclairé. Face aux difficultés il faut redoubler d'efforts, ne pas abandonner avant d'avoir épuisé toutes les possibilités.
Les grands êtres humains qui veulent montrer l'exemple au peuple doivent s'examiner eux-mêmes et observer attentivement leurs interlocuteurs. Ils doivent donner envie et se révéler de fins pédagogues, sinon ils ne susciteront que l'incompréhension des faibles et des sots. Parfois, enseigner sera la dernière et la seule possibilité pour eux de se faire entendre et de transmettre leur savoir et leur expérience, faute de pouvoir leur vie durant s'exprimer librement dans la création et dans l'action.
Pour permettre à deux êtres de se rejoindre il faut abolir la distance et les différences, comme on mord à travers un morceau de viande. Pour les grands êtres humains la punition est le moyen nécessaire au maintien de l'ordre social, c'est aussi un moyen de se rapprocher des fautifs, le but proclamé des châtiments étant de permettre l'expiation des fautes et de ramener les coupables dans le droit chemin. Les juges doivent se montrer justes mais intraitables, une clémence excessive serait un aveu de faiblesse encourageant la récidive.
La belle façade s'est écroulée, il ne reste que des ruines de la splendeur passée. Les gens sont cinglés, ils se complaisent dans les dissensions internes et s'entêtent dans les luttes fratricides, impossible de les ramener à la raison. Même déchu de son piédestal, dans son lointain refuge le grand être humain représente le dernier espoir de renouveau, il doit se préserver lui-même et accepter d'être aidé par autrui.
Les gens recherchent spontanément de beaux objets, embellissent leur cadre de vie, soignent leur apparence, se comportent avec civilité. Mais la beauté formelle ne peut remplacer la qualité de la matière, comme les bonnes manières ne peuvent remplacer la bonté du coeur. Il ne faut pas tenter le diable en exhibant une extravagance dispendieuse, ni provoquer l'ironie par une affectation superbe et déplacée.
Des grands êtres humains unis sans arrière-pensées peuvent déplacer des montagnes. Mais la démesure est contestable, il faut savoir raison garder. Allier la puissance à la souplesse, voilà une excellente façon de réaliser des exploits. Aux dernières extrémités, se sacrifier soi-même pour le salut de tous, c'est un acte héroïque des plus méritoires.
Seule la prise de conscience des erreurs peut déclencher le choc salutaire qui précède obligatoirement la remontée de la pente. L'impatience est compréhensible mais toute précipitation intempestive mène droit à l'échec. Le grand être humain est isolé, il se réfrène pour pouvoir consolider sa position, s'assure de l'amorce du changement de l'état d'esprit environnant, guette l'apparition de ses véritables alliés.
Les grands êtres humains sont entourés d'ennemis, ils gardent leur confiance en eux-mêmes et s'adaptent aux impératifs de la situation. Même en fournissant le maximum d'efforts, ils ne peuvent espérer que de petites satisfactions. Les dangers qui causent les plus graves dommages sont ceux qui paraissent les plus anodins, l'insouciance est une faute qu'on regrettera longtemps.
L'impeccabilité c'est notamment agir ou ne pas agir selon la nécessité du moment, la droiture c'est s'orienter dans le sens du bien. Le grand être humain accomplit ses devoirs, sans se laisser détourner par ses peurs ou ses désirs. Son détachement le fait accéder à la froide lucidité, chances et malchances l'atteignent sans briser sa précieuse équanimité.
La première partie du Livre des Mutations commence avec le ciel et la terre, la seconde partie commence avec l'émotion née de la sympathie immédiate entre le jeune être humain et la jeune fille. L'amour sincère naissant de cette rencontre n'est pas une passade éphémère, ni une passion débordante, encore moins un jeu de dupes. Aimer c'est mettre de côté son propre orgueil, mais c'est aussi accepter l'autre avec ses imperfections et l'accompagner dans sa navigation sur la mer des sentiments.
Le grand être humain cultive la vertu, les talents, l'endurance, ainsi pourra-t-il assumer les plus hautes fonctions. Il empêchera aussi le mal de s'étendre en le pourfendant dès le début et en s'attaquant à ses racines.
Le couple mûrit un projet commun et fonde une famille qui va s'agrandir dans la constance et la fidélité. Il partage ensemble la conscience de l'impermanence qui interdit de gâcher les instants précieux, et sait que la compréhension mutuelle passe par des confidences échangées. Que la solidité des liens familiaux ne soit ni une rigidité sclérosante ni une tension accablante !
On doit manger pour vivre mais il vaut infiniment mieux gagner honnêtement sa nourriture. Les grands êtres humains se préoccupent de nourrir les autres, non seulement avec des aliments en quantité suffisante, mais aussi affectivement, intellectuellement et spirituellement.
La durée est enviable et appréciable, mais rien n'est éternel, il faut savoir prendre les devants. Les grands êtres humains doivent quitter au bon moment les lieux devenus inhospitaliers, résolument et rapidement. Toute hésitation est une faute, à moins qu'il ne faille sauver et emmener des êtres chers.
Grâce à notre intelligence et à notre intuition, nous pouvons comprendre clairement les phénomènes. Mais la clarté peut être une simple illusion, elle flatte notre autocomplaisance en nous incitant à croire à une supériorité inexistante, ou elle nous démobilise en alimentant nos craintes et nos frayeurs. La fausse compréhension nous fait donc revendiquer des honneurs indus, ou nous paralyse au lieu de nous aider à avancer.
Pour agir et progresser, comme il est bon de bénéficier de la confiance et de l'appui d'autrui ! Si en plus la chance est au rendez-vous, quoi de plus opportun et de plus merveilleux ? Prendre garde cependant de ne pas aller trop loin, l'épuisement et l'isolement marqueront le début de la déroute.
Les grands êtres humains se sont reconstitué de nouvelles forces. Prêts à l'action, ils sont en droit de prétendre aux plus beaux succès. Pourtant ils doivent se maîtriser eux-mêmes, ne pas tomber dans la facilité de la violence brutale, ni se vanter prématurément des victoires futures.
Ne jamais présumer de ses forces devant la difficulté : l'examiner attentivement, se replier ou la contourner si l'on peut. S'il faut la surmonter, ne pas hésiter à solliciter l'aide de tous et plus particulièrement des gens capables.
Quand le monde est plongé dans les ténèbres, les grands êtres humains sont en danger de mort. Qu'ils s'en aillent à toute vitesse, sinon qu'ils ferment les yeux sur les exactions pour sauver leur intégrité intérieure. Parfois même leur propre lucidité leur commande de simuler la folie individuelle pour survivre au milieu de la folie collective, car personne ne protège plus personne. Tôt ou tard les tyrans tomberont, la faible lueur d'espérance doit être absolument préservée. Les maîtres connaissent cet hexagramme de fond en comble, car au fil des générations ils l'ont appris avec leurs sueurs, leurs larmes et leur sang.
Le problème va être prochainement résolu, il faut de la vigilance et de la persévérance dans l'effort. Lorsqu'arrive le temps du repos et de la jouissance, prôner la simplicité plutôt que des mesquineries enquiquineuses, penser également à se débarrasser des fauteurs de troubles, car les projets à long terme doivent être menés par des gens impliqués et responsables. Par ailleurs, ne pas s'attribuer tous les mérites, ni exposer ses gains à la convoitise des voleurs.
On revient toujours dans sa famille pour se ressourcer ou pour panser ses blessures. L'harmonie est remise en question et se reconstruit chaque jour, il faut rectifier les erreurs dès leur apparition, chacun prend toute sa place mais doit aussi assumer sa responsabilité vis-à-vis des autres, une sévérité excessive est sans doute préférable à la mollesse ou à la démission. L'unité provient de la compréhension mutuelle et la puissance se gagne par les efforts communs.
Dans la vie on rencontre toutes sortes de gens. Les grands êtres humains devraient se méfier du méchant, cynique et rebelle. Le mal irréparable n'est pas encore commis, mais ce sera pratiquement impossible de l'empêcher de nuire, il faudra le tenir à distance avec une douce et constante fermeté.
Malentendus et divergences s'enveniment et dégénèrent en désaccords insurmontables. Les grands êtres humains rabrouent leur amour propre pour s'adresser directement à l'intelligence de leurs interlocuteurs. En l'absence d'une discussion franche à coeur ouvert, l'amoureux soupçonne sa bien-aimée de tous les maux et de toutes les fautes, il la rejette avec cruauté jusqu'à ce qu'il se rende enfin compte de son injuste sottise et se confonde en mille excuses. Qu'elles sont douces les retrouvailles après la séparation déchirante !
Quand les gens se regroupent, ils ont besoin de suivre des directives claires données par un chef vertueux et talentueux. L'esprit d'équipe s'instaure lentement, une fois que les buts communs sont compris et acceptés par tous. L'être humain seul qui reste à l'écart ne peut s'en prendre qu'à lui-même !
L'excès en toutes choses est peu ou prou générateur de problèmes, les grands êtres humains s'empressent de rabaisser leurs prétentions ou de partager leurs richesses pour revenir à un équilibre plus décent. Ainsi pourront-ils continuer, la conscience tranquille, à jouir de l'existence.
Avec une ambition légitime, une volonté inaltérable, des efforts continus, on peut viser et atteindre les sommets. Tout le monde s'est entraidé pour grimper, tout le monde doit profiter des fruits de la réussite. Les égoïsmes et les excès attirent la malchance, penser à l'avance à la redescente.
La croissance est une bénédiction si elle profite à tout le monde. Les malins qui abusent sans vergogne des lois et des règlements pour s'approprier la part du lion ne l'emporteront pas au paradis. L'une des tâches du souverain est de faire respecter l'équité, condition essentielle de la paix sociale.
L'aboutissement de l'ascension est la chute, c'est le règne de la violence et de la tyrannie, il vaut mieux s'abstenir de crier justice. Seuls les grands êtres humains savent tirer partie des circonstances pour tremper leur âme et cultiver leurs vertus. Agir avec sang-froid et souplesse, supporter les sacrifices inévitables, ne pas abandonner le bien pour se rallier au mal.
Les grands êtres humains sont à un pas de la victoire totale sur les méchants, ils doivent justifier publiquement la légitimité de leur action et achever l'ennemi sans faiblesse ni pitié mal placée. La clémence est dans ce cas-ci dangereuse car elle permet la possibilité d'une revanche, donc la reprise du combat.
Les êtres humains construisent leurs habitations près du point d'eau, le puits leur fournit l'eau sans distinguer leurs différences. Les villageois doivent le respecter et l'entretenir soigneusement, chacun y trouvera son compte. Une fois l'eau puisée, elle ne sert vraiment que si on l'a apportée chez soi. Si on la renverse en chemin, il faut recommencer à aller en chercher. De même, dans toute démarche de projet, le succès n'est pas considéré comme acquis tant que l'action n'a pas été menée jusqu'au bout.
Même si la nécessité d'un bouleversement radical se fait jour, pour réussir à coup sûr les grands êtres humains attendent que les conditions favorables soient réunies. Le changement projeté est longuement mûri et minutieusement préparé, il est adapté à la situation et répond aux aspirations des gens. Les acteurs, compétents et informés, croient fermement à leur mission et sont en position d'agir. Et surtout, il faut avoir gagné la confiance du plus grand nombre, car sans elle le déroulement sera incontrôlable et inextricable, au mieux on assistera à des cafouillages lamentables, au pire on subira des drames affreux.
Quel changement que la cuisson, elle transforme des ingrédients crus en un succulent plat cuit ! D'abord retourner le chaudron pour le vider des saletés et pour le laver. Puis le remplir et allumer le feu en suivant la recette. La cuisine est une science et un art, la réussite exclut l'ignorance et l'imprudence. Si le chaudron se renverse, la précieuse nourriture est gâchée.
Craindre les grondements de tonnerre n'est point honteux : l'être humain prudent et prévoyant trouvera son chemin à travers les difficultés car depuis longtemps il s'y est déjà préparé matériellement et psychologiquement. Sang-froid, patience et endurance aident à surmonter les mauvaises passes et permettront de retrouver après coup son large sourire.
S'adapter aux circonstances c'est savoir avancer et reculer, mais aussi s'arrêter. La montagne immobile, inébranlable, indifférente aux tentations et aux sollicitations, est un symbole de modération et de sagesse. Le culte de l'action et de la réussite se marie idéalement avec la recherche de la tranquillité et du bonheur.
Le destin capricieux ne forme pas toujours des couples parfaits. Souvent il n'y existe pas de meilleure alternative : accepter son sort, faire l'impasse sur les richesses et la position sociale, chercher modestement son contentement dans l'entente et la compréhension mutuelle.
C'est le rythme naturel pour cultiver la vertu et accéder à la sagesse. Chaque étape appelle un comportement et des efforts différents, à la fin l'oiseau vole librement dans le ciel, affranchi des contingences du monde d'en bas. La pureté et la splendeur sont des valeurs esthétiques, elles ne sont pas primordiales mais embellissent la vie.
En temps d'abondance, il est profitable d'associer les compétences et les énergies, mais chacun doit apporter sincèrement et concrètement sa contribution à la réussite commune. Se complaire dans la vanité et dans la mesquinerie, s'accrocher obstinément à ses erreurs les plus discutables, préserver égoïstement ses privilèges en nourrissant de noirs desseins, briser les initiatives pour empêcher autrui d'avancer, comment excuser ces attitudes ignominieuses et scélérates ?
Même les meilleurs héros subissent de tristes revers de fortune ! Loin de chez lui le voyageur doit solliciter l'hospitalité de ses hôtes, il se montre doux et gentil, sans perdre pour autant sa lucidité et la haute idée qu'il se fait de lui-même. Il ronge son frein et avale toutes les couleuvres, dans sa situation il ne peut espérer plus que l'acceptation bienveillante de sa présence. Sa grande ambition et ses beaux projets sont remis à plus tard, en d'autres temps et d'autres lieux peut-être...
En société les gens qui ont appris à se connaître aiment se retrouver dans des réunions animées et joyeuses. Pour s'amuser et oublier les soucis, rien ne vaut une ambiance chaleureuse et décontractée, les sains divertissements sont fortement conseillés. Ne flattez pas les mauvais instincts pour entraîner les autres dans la débauche, car une faute succède à une faute.
Quand on fait partie d'un groupe, il faut se conformer au règlement et exécuter les ordres donnés. Ergoter et tergiverser, c'est risquer de ralentir la marche. S'empresser de se soumettre, c'est perdre sa dignité. Toujours savoir ce qu'on doit faire et le réaliser, des gratifications viendront logiquement récompenser les efforts consentis.
Quand tout périclite, il faut contrôler pour revenir à l'équilibre. Faire un point rapide et exact de la situation, prendre les décisions qui s'imposent et veiller à leur application, vérifier que les résultats correspondent aux prévisions, poursuivre le programme de redressement jusqu'au bout. Gare à une austérité excessive, elle ne sera pas supportée indéfiniment !
L'époque est à la séparation et à la dispersion, les grands êtres humains doivent prendre des risques pour tenter la réunification. Commencer par se reconstituer les forces, puis sacrifier ses intérêts personnels au profit de l'intérêt collectif, rendre la liberté à ses propres partisans pour se mettre au service du souverain, changer et adoucir les conditions de vie du peuple qui pourra enfin se réveiller du cauchemar de la faim et de la peur.
La confiance en soi-même, dépourvue de l'autosatisfaction complaisante, favorise des relations franches et cordiales entre les êtres. Elle aide aussi à mener à bien de grandes réalisations. Elle doit surtout se doubler de la lucidité, sinon elle deviendra une sotte obstination qui produira des catastrophes.
Parfois il n'est pas mauvais de tomber dans de petits excès pour rétablir l'équilibre ou pour éviter les déboires : être trop économe, trop prudent ou trop modeste. Les grands êtres humains entourés de méchants agissent avec un luxe de précautions, révisent à la baisse leur ambition, ne doivent pas se figer dans la force rigide.
Quand l'oeuvre est achevée, il ne reste plus que les petites finitions, il ne faut pas penser aux grands bouleversements et aux nouvelles réalisations. Consolider les acquis afin de les faire durer dans le temps, se prémunir du matériel nécessaire pour réparer immédiatement les dégâts, surveiller étroitement ou éloigner les corrupteurs.
Selon la loi de l'impermanence, rien n'est définitif, tout évolue. Avec le Livre des Mutations, les anciens nous délivrent le double message de la lucidité et de l'optimisme. La sagesse antique consiste à connaître la réalité et à bien agir, ou à bien s'adapter, en fonction de la situation et de son évolution prévisible. La réussite de l'être humain dépend de ses talents et de ses efforts, mais aussi des crises et des opportunités. Même dans les pires ténèbres, il existe un chemin.
La terre porteuse et nourricière est un symbole riche en significations. Le comportement et les actions sont dictés par le sens du devoir, l'acceptation mûrement réfléchie des commandements explicites d'une volonté supérieure. Le principe essentiel est d'exercer réellement et discrètement l'autorité, plutôt que de détenir les attributs apparents et encombrants du pouvoir.
Le principe mâle et le principe femelle engendrent tous les êtres. Au commencement tout est foisonnement désordonné, seul un être humain droit, talentueux et énergique peut imprimer un sens aux évènements. Il montre la direction, il installe un début d'ordre sans chercher en vain à contrôler ou à accomplir, il n'a pas d'états d'âme et n'hésite pas.
Dans le chaos informe les êtres sont fragiles et ignorants. Le grand être humain assume le double rôle d'éducateur et de formateur. En fonction des attitudes et des aptitudes de ses interlocuteurs, il usera de la sévérité et de la douceur. Pour les cas difficiles ou désespérés, il est judicieux pour lui de ne pas perdre inutilement son temps.
Le temps n'est pas encore venu d'agir, il faut en profiter pour se préparer soigneusement. Se restaurer sans excès, subir le repos forcé mais ne pas s'abandonner à l'indolence, rester calme en toutes circonstances et ne pas s'impatienter nerveusement, se constituer un réseau d'amis et d'alliés pour résoudre les difficultés.
Dans l'Histoire les problèmes de nourriture sont à l'origine des conflits et des guerres. Ici le grand être humain est un juge équitable et impartial qui rend la justice. Mais même si la victime est dans son droit, elle doit savoir arrêter les frais à temps et ne pas intenter procès sur procès, car les parties risquent de se retrouver toutes deux perdantes.
Un être humain faible, grâce à ses mérites anciens ou grâce à la faveur du souverain, peut causer de graves ennuis au grand être humain. Celui-ci se trouve dans une position désavantagée, contient son orgueil et ravale sa colère, prend acte de son impossibilité momentanée d'agir librement, console les amis qui partagent le même sort que lui, attend patiemment avec eux le retour de la normale.
Pour régler leurs différends sur les champs de batailles, les souverains mobilisent des forces armées. Le grand être humain tient le destin de son peuple entre ses mains, c'est un général qui se bat pour son pays en défendant une noble cause. Il maîtrise la science militaire et possède l'expérience des combats, détermine la stratégie victorieuse puis, selon l'évolution du sort des armes, avance ou se replie tactiquement, fait appliquer une discipline stricte mais sait aussi récompenser, enrôle les méchants pour combattre l'ennemi mais prend soin de les garder en permanence sous contrôle.
La société est maintenant relativement organisée, les rapports de forces sont établis et reconnus, le temps n'est pas à la contestation systématique mais à l'obéissance aux lois en vigueur et à la conformité aux rites institués. Garder précieusement son innocence première, rester honnête et intègre, ne pas courir des risques injustifiés pour soi-même et pour les siens, ne pas abuser de ses quelques privilèges pour commettre des méfaits.
L'armée est naturellement unie derrière son chef, dans la société le grand être humain doit rassembler les gens autour des valeurs communes et préserver la liberté de pensée et d'expression. L'idéal est de susciter une loyauté et une fidélité basées sur l'admiration et sur la gratitude, plutôt que sur la peur et la contrainte.
Tout va bien, l'abondance s'étale à chaque coin de rue et l'harmonie inspire les êtres, pourtant les grands êtres humains ne doivent pas baisser la garde. Être tolérant envers les gens et les choses, rester déterminé et énergique dans l'action, se préparer à surmonter les malheurs à venir en anticipant sur le futur, s'attacher à l'intérêt général en mettant de côté les intérêts particuliers. Lorsque les besoins fondamentaux sont satisfaits, la folie des grandeurs se répand comme une traînée de poudre. L'euphorie est mauvaise conseillère : Il ne faut pas goûter le bonheur jusqu'au bout, car le danger guette sûrement.
Rien ne dure éternellement, tant de peines et tant de larmes pour concevoir et pour construire, et si peu de temps pour la destruction totale ! Les méchants ont investi le pays et se sont partagé les pleins pouvoirs, les grands êtres humains ont été exilés hors des frontières. Une chape de plomb recouvre la société, la population désespère du présent et de l'avenir, aucune lueur de changement ou d'amélioration ! Tout le monde à l'abri : chacun pour soi.
Après l'effondrement et la crise, la force de l'union. La nécessité de la solidarité trouve enfin un écho favorable, la foi et l'espoir renaissent dans les coeurs. Les grands êtres humains doivent comprendre les besoins du peuple et s'appuyer sur lui pour bâtir un ordre nouveau. Partout la dynamique du succès réapparaît, bien que les tentatives de large rassemblement subissent encore de farouches oppositions.
La splendeur, du fait de la loi de l'impermanence, appelle la modestie. Grâce à elle le grand être humain pourra rester fidèle en amitié comme en amour : Que jusqu'à la fin la relation soit aussi belle qu'au début, c'est cela même la fidélité ! Surtout quand son mérite est reconnu, le grand être humain se fait petit à bon escient. Ne pas chercher des louanges pour son absence d'orgueil, mais ne pas renoncer pour autant à l'exercice de l'autorité ni à l'usage de la force si les circonstances l'exigent.
Les grands êtres humains se sont regroupés et se sont mis à l'ouvrage, les usurpateurs ont été chassés ou sont rentrés dans les rangs. Le vent de la bonne fortune souffle dans toutes les directions et favorise tous les efforts, les humbles comme les puissants goûtent au bien-être, quelques rares privilégiés se croient même dans l'antichambre du paradis, voici le temps de l'apogée.
La pondération favorise l'approbation d'autrui et la réussite des projets. Le succès ne doit pas cependant monter à la tête, car la mollesse et les tergiversations conduiront droit aux regrets amers.
Il ne faut jamais suivre aveuglément, au contraire nous devons peser judicieusement le pour et le contre afin de bien choisir. Comprendre clairement la situation, saisir l'opportunité pour agir efficacement, ne pas gaspiller son énergie pour des causes perdues. Le grand être humain trop puissant se retrouve souvent dans une mauvaise posture : il suscite la jalousie de la cour et éveille des soupçons chez le souverain. Loyauté finalement mal récompensée !
Avec l'usure du temps les meilleures choses dépérissent et requièrent le changement. Ardue la préparation de la réforme ! Les défenseurs de l'ordre ancien refusent toute amélioration, les jeunes impatients exigent la perfection immédiate ! Agir avec force et fermeté, communiquer avec tact et doigté. Lorsque la noble tâche est enfin accomplie, pour devancer l'ingratitude il vaut mieux se retirer sur la pointe des pieds.
Pour s'élever les grands êtres humains doivent se rassembler et s'unir. La confiance en l'avenir et l'audace sont indispensables, de même que le soutien d'un souverain éclairé. Face aux difficultés il faut redoubler d'efforts, ne pas abandonner avant d'avoir épuisé toutes les possibilités.
Les grands êtres humains qui veulent montrer l'exemple au peuple doivent s'examiner eux-mêmes et observer attentivement leurs interlocuteurs. Ils doivent donner envie et se révéler de fins pédagogues, sinon ils ne susciteront que l'incompréhension des faibles et des sots. Parfois, enseigner sera la dernière et la seule possibilité pour eux de se faire entendre et de transmettre leur savoir et leur expérience, faute de pouvoir leur vie durant s'exprimer librement dans la création et dans l'action.
Pour permettre à deux êtres de se rejoindre il faut abolir la distance et les différences, comme on mord à travers un morceau de viande. Pour les grands êtres humains la punition est le moyen nécessaire au maintien de l'ordre social, c'est aussi un moyen de se rapprocher des fautifs, le but proclamé des châtiments étant de permettre l'expiation des fautes et de ramener les coupables dans le droit chemin. Les juges doivent se montrer justes mais intraitables, une clémence excessive serait un aveu de faiblesse encourageant la récidive.
La belle façade s'est écroulée, il ne reste que des ruines de la splendeur passée. Les gens sont cinglés, ils se complaisent dans les dissensions internes et s'entêtent dans les luttes fratricides, impossible de les ramener à la raison. Même déchu de son piédestal, dans son lointain refuge le grand être humain représente le dernier espoir de renouveau, il doit se préserver lui-même et accepter d'être aidé par autrui.
Les gens recherchent spontanément de beaux objets, embellissent leur cadre de vie, soignent leur apparence, se comportent avec civilité. Mais la beauté formelle ne peut remplacer la qualité de la matière, comme les bonnes manières ne peuvent remplacer la bonté du coeur. Il ne faut pas tenter le diable en exhibant une extravagance dispendieuse, ni provoquer l'ironie par une affectation superbe et déplacée.
Des grands êtres humains unis sans arrière-pensées peuvent déplacer des montagnes. Mais la démesure est contestable, il faut savoir raison garder. Allier la puissance à la souplesse, voilà une excellente façon de réaliser des exploits. Aux dernières extrémités, se sacrifier soi-même pour le salut de tous, c'est un acte héroïque des plus méritoires.
Seule la prise de conscience des erreurs peut déclencher le choc salutaire qui précède obligatoirement la remontée de la pente. L'impatience est compréhensible mais toute précipitation intempestive mène droit à l'échec. Le grand être humain est isolé, il se réfrène pour pouvoir consolider sa position, s'assure de l'amorce du changement de l'état d'esprit environnant, guette l'apparition de ses véritables alliés.
Les grands êtres humains sont entourés d'ennemis, ils gardent leur confiance en eux-mêmes et s'adaptent aux impératifs de la situation. Même en fournissant le maximum d'efforts, ils ne peuvent espérer que de petites satisfactions. Les dangers qui causent les plus graves dommages sont ceux qui paraissent les plus anodins, l'insouciance est une faute qu'on regrettera longtemps.
L'impeccabilité c'est notamment agir ou ne pas agir selon la nécessité du moment, la droiture c'est s'orienter dans le sens du bien. Le grand être humain accomplit ses devoirs, sans se laisser détourner par ses peurs ou ses désirs. Son détachement le fait accéder à la froide lucidité, chances et malchances l'atteignent sans briser sa précieuse équanimité.
La première partie du Livre des Mutations commence avec le ciel et la terre, la seconde partie commence avec l'émotion née de la sympathie immédiate entre le jeune être humain et la jeune fille. L'amour sincère naissant de cette rencontre n'est pas une passade éphémère, ni une passion débordante, encore moins un jeu de dupes. Aimer c'est mettre de côté son propre orgueil, mais c'est aussi accepter l'autre avec ses imperfections et l'accompagner dans sa navigation sur la mer des sentiments.
Le grand être humain cultive la vertu, les talents, l'endurance, ainsi pourra-t-il assumer les plus hautes fonctions. Il empêchera aussi le mal de s'étendre en le pourfendant dès le début et en s'attaquant à ses racines.
Le couple mûrit un projet commun et fonde une famille qui va s'agrandir dans la constance et la fidélité. Il partage ensemble la conscience de l'impermanence qui interdit de gâcher les instants précieux, et sait que la compréhension mutuelle passe par des confidences échangées. Que la solidité des liens familiaux ne soit ni une rigidité sclérosante ni une tension accablante !
On doit manger pour vivre mais il vaut infiniment mieux gagner honnêtement sa nourriture. Les grands êtres humains se préoccupent de nourrir les autres, non seulement avec des aliments en quantité suffisante, mais aussi affectivement, intellectuellement et spirituellement.
La durée est enviable et appréciable, mais rien n'est éternel, il faut savoir prendre les devants. Les grands êtres humains doivent quitter au bon moment les lieux devenus inhospitaliers, résolument et rapidement. Toute hésitation est une faute, à moins qu'il ne faille sauver et emmener des êtres chers.
Grâce à notre intelligence et à notre intuition, nous pouvons comprendre clairement les phénomènes. Mais la clarté peut être une simple illusion, elle flatte notre autocomplaisance en nous incitant à croire à une supériorité inexistante, ou elle nous démobilise en alimentant nos craintes et nos frayeurs. La fausse compréhension nous fait donc revendiquer des honneurs indus, ou nous paralyse au lieu de nous aider à avancer.
Pour agir et progresser, comme il est bon de bénéficier de la confiance et de l'appui d'autrui ! Si en plus la chance est au rendez-vous, quoi de plus opportun et de plus merveilleux ? Prendre garde cependant de ne pas aller trop loin, l'épuisement et l'isolement marqueront le début de la déroute.
Les grands êtres humains se sont reconstitué de nouvelles forces. Prêts à l'action, ils sont en droit de prétendre aux plus beaux succès. Pourtant ils doivent se maîtriser eux-mêmes, ne pas tomber dans la facilité de la violence brutale, ni se vanter prématurément des victoires futures.
Ne jamais présumer de ses forces devant la difficulté : l'examiner attentivement, se replier ou la contourner si l'on peut. S'il faut la surmonter, ne pas hésiter à solliciter l'aide de tous et plus particulièrement des gens capables.
Quand le monde est plongé dans les ténèbres, les grands êtres humains sont en danger de mort. Qu'ils s'en aillent à toute vitesse, sinon qu'ils ferment les yeux sur les exactions pour sauver leur intégrité intérieure. Parfois même leur propre lucidité leur commande de simuler la folie individuelle pour survivre au milieu de la folie collective, car personne ne protège plus personne. Tôt ou tard les tyrans tomberont, la faible lueur d'espérance doit être absolument préservée. Les maîtres connaissent cet hexagramme de fond en comble, car au fil des générations ils l'ont appris avec leurs sueurs, leurs larmes et leur sang.
Le problème va être prochainement résolu, il faut de la vigilance et de la persévérance dans l'effort. Lorsqu'arrive le temps du repos et de la jouissance, prôner la simplicité plutôt que des mesquineries enquiquineuses, penser également à se débarrasser des fauteurs de troubles, car les projets à long terme doivent être menés par des gens impliqués et responsables. Par ailleurs, ne pas s'attribuer tous les mérites, ni exposer ses gains à la convoitise des voleurs.
On revient toujours dans sa famille pour se ressourcer ou pour panser ses blessures. L'harmonie est remise en question et se reconstruit chaque jour, il faut rectifier les erreurs dès leur apparition, chacun prend toute sa place mais doit aussi assumer sa responsabilité vis-à-vis des autres, une sévérité excessive est sans doute préférable à la mollesse ou à la démission. L'unité provient de la compréhension mutuelle et la puissance se gagne par les efforts communs.
Dans la vie on rencontre toutes sortes de gens. Les grands êtres humains devraient se méfier du méchant, cynique et rebelle. Le mal irréparable n'est pas encore commis, mais ce sera pratiquement impossible de l'empêcher de nuire, il faudra le tenir à distance avec une douce et constante fermeté.
Malentendus et divergences s'enveniment et dégénèrent en désaccords insurmontables. Les grands êtres humains rabrouent leur amour propre pour s'adresser directement à l'intelligence de leurs interlocuteurs. En l'absence d'une discussion franche à coeur ouvert, l'amoureux soupçonne sa bien-aimée de tous les maux et de toutes les fautes, il la rejette avec cruauté jusqu'à ce qu'il se rende enfin compte de son injuste sottise et se confonde en mille excuses. Qu'elles sont douces les retrouvailles après la séparation déchirante !
Quand les gens se regroupent, ils ont besoin de suivre des directives claires données par un chef vertueux et talentueux. L'esprit d'équipe s'instaure lentement, une fois que les buts communs sont compris et acceptés par tous. L'être humain seul qui reste à l'écart ne peut s'en prendre qu'à lui-même !
L'excès en toutes choses est peu ou prou générateur de problèmes, les grands êtres humains s'empressent de rabaisser leurs prétentions ou de partager leurs richesses pour revenir à un équilibre plus décent. Ainsi pourront-ils continuer, la conscience tranquille, à jouir de l'existence.
Avec une ambition légitime, une volonté inaltérable, des efforts continus, on peut viser et atteindre les sommets. Tout le monde s'est entraidé pour grimper, tout le monde doit profiter des fruits de la réussite. Les égoïsmes et les excès attirent la malchance, penser à l'avance à la redescente.
La croissance est une bénédiction si elle profite à tout le monde. Les malins qui abusent sans vergogne des lois et des règlements pour s'approprier la part du lion ne l'emporteront pas au paradis. L'une des tâches du souverain est de faire respecter l'équité, condition essentielle de la paix sociale.
L'aboutissement de l'ascension est la chute, c'est le règne de la violence et de la tyrannie, il vaut mieux s'abstenir de crier justice. Seuls les grands êtres humains savent tirer partie des circonstances pour tremper leur âme et cultiver leurs vertus. Agir avec sang-froid et souplesse, supporter les sacrifices inévitables, ne pas abandonner le bien pour se rallier au mal.
Les grands êtres humains sont à un pas de la victoire totale sur les méchants, ils doivent justifier publiquement la légitimité de leur action et achever l'ennemi sans faiblesse ni pitié mal placée. La clémence est dans ce cas-ci dangereuse car elle permet la possibilité d'une revanche, donc la reprise du combat.
Les êtres humains construisent leurs habitations près du point d'eau, le puits leur fournit l'eau sans distinguer leurs différences. Les villageois doivent le respecter et l'entretenir soigneusement, chacun y trouvera son compte. Une fois l'eau puisée, elle ne sert vraiment que si on l'a apportée chez soi. Si on la renverse en chemin, il faut recommencer à aller en chercher. De même, dans toute démarche de projet, le succès n'est pas considéré comme acquis tant que l'action n'a pas été menée jusqu'au bout.
Même si la nécessité d'un bouleversement radical se fait jour, pour réussir à coup sûr les grands êtres humains attendent que les conditions favorables soient réunies. Le changement projeté est longuement mûri et minutieusement préparé, il est adapté à la situation et répond aux aspirations des gens. Les acteurs, compétents et informés, croient fermement à leur mission et sont en position d'agir. Et surtout, il faut avoir gagné la confiance du plus grand nombre, car sans elle le déroulement sera incontrôlable et inextricable, au mieux on assistera à des cafouillages lamentables, au pire on subira des drames affreux.
Quel changement que la cuisson, elle transforme des ingrédients crus en un succulent plat cuit ! D'abord retourner le chaudron pour le vider des saletés et pour le laver. Puis le remplir et allumer le feu en suivant la recette. La cuisine est une science et un art, la réussite exclut l'ignorance et l'imprudence. Si le chaudron se renverse, la précieuse nourriture est gâchée.
Craindre les grondements de tonnerre n'est point honteux : l'être humain prudent et prévoyant trouvera son chemin à travers les difficultés car depuis longtemps il s'y est déjà préparé matériellement et psychologiquement. Sang-froid, patience et endurance aident à surmonter les mauvaises passes et permettront de retrouver après coup son large sourire.
S'adapter aux circonstances c'est savoir avancer et reculer, mais aussi s'arrêter. La montagne immobile, inébranlable, indifférente aux tentations et aux sollicitations, est un symbole de modération et de sagesse. Le culte de l'action et de la réussite se marie idéalement avec la recherche de la tranquillité et du bonheur.
Le destin capricieux ne forme pas toujours des couples parfaits. Souvent il n'y existe pas de meilleure alternative : accepter son sort, faire l'impasse sur les richesses et la position sociale, chercher modestement son contentement dans l'entente et la compréhension mutuelle.
C'est le rythme naturel pour cultiver la vertu et accéder à la sagesse. Chaque étape appelle un comportement et des efforts différents, à la fin l'oiseau vole librement dans le ciel, affranchi des contingences du monde d'en bas. La pureté et la splendeur sont des valeurs esthétiques, elles ne sont pas primordiales mais embellissent la vie.
En temps d'abondance, il est profitable d'associer les compétences et les énergies, mais chacun doit apporter sincèrement et concrètement sa contribution à la réussite commune. Se complaire dans la vanité et dans la mesquinerie, s'accrocher obstinément à ses erreurs les plus discutables, préserver égoïstement ses privilèges en nourrissant de noirs desseins, briser les initiatives pour empêcher autrui d'avancer, comment excuser ces attitudes ignominieuses et scélérates ?
Même les meilleurs héros subissent de tristes revers de fortune ! Loin de chez lui le voyageur doit solliciter l'hospitalité de ses hôtes, il se montre doux et gentil, sans perdre pour autant sa lucidité et la haute idée qu'il se fait de lui-même. Il ronge son frein et avale toutes les couleuvres, dans sa situation il ne peut espérer plus que l'acceptation bienveillante de sa présence. Sa grande ambition et ses beaux projets sont remis à plus tard, en d'autres temps et d'autres lieux peut-être...
En société les gens qui ont appris à se connaître aiment se retrouver dans des réunions animées et joyeuses. Pour s'amuser et oublier les soucis, rien ne vaut une ambiance chaleureuse et décontractée, les sains divertissements sont fortement conseillés. Ne flattez pas les mauvais instincts pour entraîner les autres dans la débauche, car une faute succède à une faute.
Quand on fait partie d'un groupe, il faut se conformer au règlement et exécuter les ordres donnés. Ergoter et tergiverser, c'est risquer de ralentir la marche. S'empresser de se soumettre, c'est perdre sa dignité. Toujours savoir ce qu'on doit faire et le réaliser, des gratifications viendront logiquement récompenser les efforts consentis.
Quand tout périclite, il faut contrôler pour revenir à l'équilibre. Faire un point rapide et exact de la situation, prendre les décisions qui s'imposent et veiller à leur application, vérifier que les résultats correspondent aux prévisions, poursuivre le programme de redressement jusqu'au bout. Gare à une austérité excessive, elle ne sera pas supportée indéfiniment !
L'époque est à la séparation et à la dispersion, les grands êtres humains doivent prendre des risques pour tenter la réunification. Commencer par se reconstituer les forces, puis sacrifier ses intérêts personnels au profit de l'intérêt collectif, rendre la liberté à ses propres partisans pour se mettre au service du souverain, changer et adoucir les conditions de vie du peuple qui pourra enfin se réveiller du cauchemar de la faim et de la peur.
La confiance en soi-même, dépourvue de l'autosatisfaction complaisante, favorise des relations franches et cordiales entre les êtres. Elle aide aussi à mener à bien de grandes réalisations. Elle doit surtout se doubler de la lucidité, sinon elle deviendra une sotte obstination qui produira des catastrophes.
Parfois il n'est pas mauvais de tomber dans de petits excès pour rétablir l'équilibre ou pour éviter les déboires : être trop économe, trop prudent ou trop modeste. Les grands êtres humains entourés de méchants agissent avec un luxe de précautions, révisent à la baisse leur ambition, ne doivent pas se figer dans la force rigide.
Quand l'oeuvre est achevée, il ne reste plus que les petites finitions, il ne faut pas penser aux grands bouleversements et aux nouvelles réalisations. Consolider les acquis afin de les faire durer dans le temps, se prémunir du matériel nécessaire pour réparer immédiatement les dégâts, surveiller étroitement ou éloigner les corrupteurs.
Selon la loi de l'impermanence, rien n'est définitif, tout évolue. Avec le Livre des Mutations, les anciens nous délivrent le double message de la lucidité et de l'optimisme. La sagesse antique consiste à connaître la réalité et à bien agir, ou à bien s'adapter, en fonction de la situation et de son évolution prévisible. La réussite de l'être humain dépend de ses talents et de ses efforts, mais aussi des crises et des opportunités. Même dans les pires ténèbres, il existe un chemin.