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De Toute Éternité

*TEMPS*


Eternel

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Se demander pourquoi l'univers est là, c'est absurde, parce que cela suppose qu'il aurait pu ne pas être. Et, s'il n'avait pas été, il n'y aurait eu personne pour se poser la question.

L'être humain a donc imaginé une conscience, un Dieu antérieur à l'univers, et qui se serait posé la question de savoir s'il fallait ou s'il avait envie de créer l'univers, et qui dès lors se serait interrogé sur sa structure. Et quant à la structure de l'univers, ce Dieu aurait alors pu se trouver devant un choix ou une obligation. Or, se poser ce genre de question n'a aucun sens puisque cela reviendrait à considérer Dieu comme éprouvant des besoins ou des envies, c'est-à-dire comme étant capable d'éprouver un sentiment de manque et donc d'être incomplet. Ce qui est évidemment contraire à la définition même de Dieu.

En réalité, l'univers est là "depuis toujours", c'est-à-dire de toute éternité, et c'est de cet univers que sont "sortis" les êtres qui ont inventé Dieu.

L'éternité de l'univers n'exclut pas la temporalité de la Terre et de ses habitants. L'univers est éternel, mais l'agencement de ses différents composants est temporel. Or, les êtres produits par l'univers, dans leur sentiments qu'ils faisaient quelque chose, ont imaginé analogiquement que l'univers lui-même avait été fait intentionnellement, qu'il était né de la volonté et de l'initiative de Quelqu'un agissant à leur manière. On a donc bien raison de dire que si Dieu a créé l'être humain, celui-ci le Lui a bien rendu...

Mais alors, comment expliquer que de l'essence d'un être éternel aient pu naître le temps et l'espace. En effet, nous pourrions imaginer soit une éternité immuable, soit un changement impérissable, c'est-à-dire continu et toujours pareil à lui-même. Dans la première hypothèse il n'y a pas de transformation, et dans la seconde, la transformation est continue et identique pour toutes les formes manifestées, ce qui n'est pas le cas.

Il semble évident que le temps et l'espace sont intimement liés et qu'ils ne sont que deux faces différentes de la même réalité.

Comment passer de l'être pur au devenir ? Dieu est-il un éternel devenir qui se répéterait toujours au regard d'une conscience ? Serait-ce le regard de l'être humain incarné qui lui donne l'impression de vivre dans le temps et l'espace, et ceux-ci ne seraient-ils alors que des illusions ? Ces questions ont-elles un sens ?

Cela pose le même problème que celui de la définition du présent qui est inexorablement vouée à l'échec.

En fait, tout revient toujours à un problème de conscience. C'est la conscience de l'état humain qui fait que l'être humain se pose la question de l'immortalité. L'être humain vit dans l'illusion d'agir, de penser et d'hésiter, car tout est déterminé, et sans doute même les questions que nous nous posons. Celle-ci nous incitent à nous élever pour tenter d'obtenir LA réponse, mais cette "élévation" nous privera de l'état d'être humain, c'est-à-dire de dualité et donc de possibilité de conscience. C'est là que se situe la souffrance de l'être humain : être être humain et être conscient, y compris de sa temporalité, ou être dieu et perdre sa conscience.

C'est alors que surgit la question suivante : comment l'intemporel a-t-il pu engendrer une pensée qui ne le comprend pas ? Il ne s'agit pas là d'une incapacité transitoire. Sauf si cette pensée est provisoirement bridée par un voile qui se lèverait un jour. Mais alors la conscience disparaîtra également puisqu'elle est nécessairement liée à la différence. La conscience serait-elle la source de la souffrance de l'être humain ?

Imaginer que l'univers a été construit par quelque chose pour expliquer qu'il existe conduirait alors à se demander si ce quelque chose, à son tour, pour être là, aurait dû être créé par quelque chose d'autre, ce qui conduirait à une impasse.

Tous les mots que nous pouvons utiliser pour essayer d'exprimer l'éternité sont limités. Dire qu'une chose existe "depuis toujours" ou "depuis le départ" revient à utiliser des termes temporels.

Les notions d'univers, de Dieu et d'éternité ne sont sans doute là que pour nous faire réfléchir car jamais aucun être humain ne pourra les approcher. Sans doute est-ce pour cela que la mort est considérée comme l'Initiation réelle. Mais n'est-ce pas, une fois encore, une idée née de la frustration de l'être humain ?
Or, quand le Père qui l'avait engendré comprit qu'il se mouvait et vivait, ce Monde, image née des Dieux éternels, il se réjouit et, dans sa joie, il réfléchit aux moyens de le rendre plus semblable encore à son modèle. Et de même que ce modèle se trouve être un Vivant éternel, il s'efforça, dans la mesure de son pouvoir, de rendre éternel ce tout lui-même également. Or, c'est la substance du Vivant-modèle qui se trouvait être éternelle, nous l'avons vu, et cette éternité, l'adapter entièrement à un Monde engendré, c'était impossible.

C'est pourquoi son auteur s'est préoccupé de fabriquer une certaine imitation mobile de l'éternité et, tout en organisant le Ciel, il a fait, de l'éternité immobile et une, cette image éternelle qui progresse suivant la loi des Nombres, cette chose que nous appelons le Temps. En effet, les jours et les nuits, les mois et les saisons n'existaient point avant la naissance du Ciel, mais leur naissance a été ménagée, en même temps que le Ciel a été construit. Car tout cela, ce sont des divisions du Temps: le passé et le futur sont des espèces engendrées du Temps, et lorsque nous les appliquons hors de propos à la substance éternelle, c'est que nous en ignorons la nature. Car nous disons de cette substance qu'elle était, qu'elle est et qu'elle sera. Or, en vérité, l'expression est ne s'applique qu'à la substance éternelle.

Au contraire, était, sera sont des termes qu'il convient de réserver à ce qui naît et progresse dans le Temps. Car ce ne sont que des changements. Mais ce qui est toujours immuable et inchangé, cela ne devient ni plus vieux, ni plus jeune, avec le temps, et oncques cela ne fut, ni ne devient actuellement, ni ne sera dans le futur. Bien au contraire, une telle réalité ne comporte aucun des accidents que le devenir implique pour les termes qui se meuvent dans l'ordre sensible, mais ces accidents sont des variétés du Temps, lequel imite l'éternité et se déroule en cercle suivant le Nombre.

Platon, Timée, 38a
Alors qu'il se trouvait dans un banquet, Albert Einstein eut pour voisine une dame snob qui l'accabla de questions sur la théorie de la relativité.

Puis elle lui demanda s'il admettait l'éternité.

Comme il répondait par l'affirmative, elle insista :

- Mais alors, qu'entendez-vous exactement par éternité ?

- Par éternité, répondit-il en souriant, j'entends cette durée de temps qui serait nécessaire pour vous faire comprendre ce qu'il faut entendre par là.





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