Au coeur de la fournaise, dans la pire des chaleurs, le serpent garde son sang froid. Il projette un antidote, sa propre chaleur qui fusionne avec le feu ou la chaleur ambiante. Ce faisant, il reste lui-même, un corps frais. Ce procédé simple comme bonjour peut se répéter dans tous les espaces de vie, du plus dense au plus subtil. C'est un tour de passe-passe divin, c'est un cadeau offert par le serpent cosmique dont le sac de magicien en est rempli.
Le premier et le plus connu est de se montrer tantôt sous sa forme rampante et tantôt sous l'aspect d'un bâton torsadé que seuls les Dieux sont en mesure d'utiliser pour avancer dans leur cosmos.
Je suis la voix du serpent cosmique, celui qui dort actuellement, lové sur lui-même au calme, dans un autre univers. Il m'a demandé d'être son porte parole, son amplificateur dans votre univers. Il m'a laissé le libre choix d'élever la voix, de chuchoter ou de parler en silence au creux de votre coeur. Malgré que je puisse me faire entendre partout, j'ai une petite bouche, et, dans votre galaxie, je parle encore en sourdine, je risquerais d'effrayer certains. Les mots écrits sont une voix silencieuse, tandis que les mots contés sont une voie douce vers la connaissance.
Comment suis-je devenu un arbre à paroles, un moulin à vent actionné par une si noble conscience ? Comment puis-je parler sans arrêt dans le cosmos sans me fatiguer un seul instant ? Voilà quelques aspects d'une réalité encore ignorée que ce conte vous révélera. Sachez d'abord que je vis sur une frontière. Je ne connais pas d'autre mot dans votre vocabulaire pour vous parler d'une séparation, séparation bien réelle entre divers univers, réelle et inexistante !
Suivez un instant ma petite explication. Les divers univers sont lovés les uns dans les autres et cependant, ils sont distincts. Ils sont présents à portée de votre main et néanmoins vous ne pouvez y accéder. Et moi, je me faufile dans l'infime espace qui les sépare les uns des autres. C'est ainsi que je suis capable de parler à l'oreille de chacun sans me fatiguer puisque mon énergie circule en permanence autour de vous, si proche et si insaisissable.
Je sais que vous préférez les belles histoires aux explications trop cérébrales. Alors, je vais vous ravir car je n'ai pas de cerveau, je suis juste une voix. Voici mon histoire. À l'aube de l'aube, de l'aube des temps survint un petit accident. Oh ! Rien de bien spectaculaire, un banal accident de circulation. Dans un espace très confiné, deux comètes se sont télescopées.
D'où elles venaient et comment il était possible que deux masses aussi énormes pénètrent dans un endroit minuscule et y entrent en collision ? Voilà une question. Dans le petit espace dont je vous parle, sommeillait un énorme potentiel de vie sans aucune conscience d'exister. C'était l'espace dormant, à peine une tête d'épingle bourrée des germes de toutes les créations possibles et imaginables.
Et voilà que deux vulgaires comètes viennent y provoquer un boum retentissant que personne n'a entendu à part elles-mêmes. Se pourrait-il que ces comètes soient en vie avant la vie, je veux dire avant que la vie n'existe ? Voilà une superbe question existentielle pour les cerveaux curieux.
Mais à cette époque-là, tout est simple. Chaque atome, chaque puits de conscience se plaît à faire le constat de l'accident. Aucun ne pose les questions d'usage : est-ce voulu par quelqu'un qui tire les ficelles, qui est responsable, à qui la faute, qui va réparer les dégâts...? Il n'y a ni dégât, ni faute, ni responsable mais une attitude béate : " Oh ! Il s'est passé quelque chose là où il ne se passait rien jusqu'à ce jour. "
Rien jusqu'à ce jour, c'est vite dit, la tête d'épingle devait bien avoir été créée par quelqu'un et les comètes également. Voilà le cerveau raisonneur reparti pour un tour de piste ! Ne peut-il retenir une fois pour toutes que la conscience a toujours existé. Elle a plus d'une fois pris plaisir à s'étirer et puis à se replier sur elle-même. C'est sa façon d'accumuler les expériences.
Dans le récit actuel, la conscience est endormie, recroquevillée sur elle-même dans la petite tête d'épingle. Elle avait besoin d'un réveil matin pour sortir de sa torpeur et recommencer un nouveau cycle d'expansion. Avant de s'endormir, elle avait demandé le concours de deux comètes pour venir la réveiller en temps voulu. Ces comètes avaient choisi de rester éveillées et elles avaient occupé le non espace, jouant à se miniaturiser et à s'étendre à l'infini.
Elles avaient bénéficié du privilège de rester actives alors que la conscience se reposait profondément et que tout l'espace s'était replié sur lui-même. Elles avaient découvert bien des choses, notamment la clé pour se mouvoir dans le non espace. Elles avaient profité de leur séjour dans l'anti matière pour mémoriser les codes de la vie quotidienne et ceux de la vie potentielle, condensée et invisible. Elles avaient eu l'occasion de passer de l'une à l'autre avec une dextérité croissante. C'était leur manière de se préparer à réveiller la Conscience conformément à la tâche précise qu'elles avaient acceptée de remplir pour elle.
Voyez-vous ces deux comètes, énormes avec leur queue pleine d'énergie vitale et l'instant d'après, ces mêmes masses, passant à travers la tête d'épingle pour s'y percuter à l'intérieur ? Prodigieux, non ! Et bien je suis ces deux comètes, amis, amies. En effet, notre collision n'était qu'un prétexte pour nous unifier. En fusionnant, nous allions dégager une puissante énergie, celle dont la respiration de la Conscience avait besoin pour se propulser à nouveau dans le non espace afin de le remplir de vie.
Cette conscience, voyez-vous, est celle du serpent cosmique. Sa fabuleuse inspiration d'artiste, l'avait poussé à commencer un nouveau cycle de vie par le spectacle des comètes virtuoses. Jusqu'à ce moment, j'étais double, et au début du nouvel expir de la Conscience, je suis devenu "un". À son réveil, le serpent cosmique n'a pas hésité un seul instant. Il m'a serré dans ses bras en me parlant longuement.
"Tu connais maintenant autant de secrets de la création que moi, tu viens de réussir des épreuves exceptionnelles et je sais que tu n'as plus besoin d'en passer d'autres pour être mon égal à chaque instant. Veux-tu devenir mon porte-parole, mon porte-voix là où la vie aura besoin d'être activée. Je vais créer cette fois un univers dans lequel le vivant aura beaucoup de liberté. Je sais déjà qu'il s'en servira souvent pour ses intérêts personnels."
"Je sais également que la vie-lumière et la vie-ombre auront à se mêler et à se démêler créant parfois des situations inextricables. Tout cela fortifiera le vivant comme jamais auparavant. Mais pour se retrouver fiers d'être dieu, tel que tu l'es, chaque entité vivante apprendra à connaître la matière sous tous ses aspects. Elle sera capable de la densifier, de l'illuminer ou d'y pénétrer à sa guise. Elle utilisera l'intelligence de son coeur et la puissance de son amour. Voilà, le programme de cette création. Qu'en penses-tu ?"
Je restai bouche bée, ne sachant que répondre et je dis : "ils vont devoir chercher et chercher encore toutes les combinaisons de vie. Je vois déjà un nombre incalculable de laboratoires dans lesquels les dieux mineurs tenteront toutes sortes d'expériences".
"C'est bien cela le but recherché; au plus les entités vivantes se connaîtront elles-mêmes, au plus elles deviendront des dieux vigoureux. Et puis rappelle-toi : les progrès qu'elles enregistrent sont également mes propres progrès. J'apprends à me connaître à travers les gestes de ces créatures, toutes issues de mes énergies. Je connais leur aventure, instant après instant comme si j'étais eux. N'est-ce pas palpitant ?"
"Si, assurément", répondis-je, "mais quelles tâches me réserves-tu dans cet univers ?" – "Comprends moi bien, je ne peux te les décrire à l'avance, sans quoi tu ne serais plus libre d'agir selon le bon vouloir de ton coeur. Je te demande simplement d'être mon messager, ma parole permanente. Je sollicite ton accord pour cette fonction. Tu la rempliras à ta guise. Comprends-tu, es-tu d'accord ?"
Je me rendais compte que le serpent cosmique tentait une nouvelle expérience. Je ne pouvais encore cerner sa véritable portée mais l'idée d'agir en toute liberté, sans aucun commandement de sa part, me touchait. "D'accord, je suis ton dieu et je soufflerai par ma bouche les paroles dictées par mon coeur. Je déclare déjà une chose : j'expérimenterai cette fonction sans utiliser mon cerveau, je n'agirai qu'avec l'intelligence du coeur."
"En voilà du culot", me dit-il, "j'apprécie ton choix, même s'il te place sur le fil du rasoir." – "Que feras-tu dans cet univers" lui demandais-je. – "Je ne sais pas encore, je suivrai pas à pas les créations et les réalisations de toutes les énergies qui me prolongent. De temps en temps, j'apparaîtrai fugacement dans le cosmos toujours sous ma forme de serpent. Je me rendrai parfois visible à tous et à toutes et d'autres fois, seules les créatures ayant l'oeil ouvert me verront. Tu peux être tranquille, je serai toujours à tes côtés, même si tu ne vois plus. Tu pourras me consulter, mais je ne prendrai aucune décision à ta place."
"Pourquoi te montreras-tu dans le ciel cosmique ? Je n'en vois guère la raison, poursuivis-je. Et puis, comment est-il possible qu'à un moment donné je ne te perçoive plus alors que je suis ton égal ?" – "Oh ! Je compte bien rester dans l'ombre de sorte que tous les êtres vivants me cherchent activement. Toutefois, il y aura des moments où leur insécurité et leur indécision seront telles, que le court passage d'un serpent lumineux dans le cosmos déscristallisera quelques situations dégradées.
Entre-temps, il te reviendra de faire entendre ma voix dans l'oreille du coeur de chacun, ce n'est pas une mince tâche. Pourquoi ne me verrais-tu plus, me demandes-tu ? Et bien, une fois entré dans cet univers, tu pourrais très bien être emporté dans des tourbillons t'entraînant dans des espaces denses où ma présence est invisible."
Je le remerciai de sa franchise et pris congé afin de faire le tour de la situation. Ma première réaction fut de me dire que je ne voulais en aucun cas perdre le contact avec lui. J'avais à découvrir une position rendant mon choix opérationnel. Je pensai à la forme que je prendrais. À quoi pourrait bien ressembler un être de coeur dépourvu de cerveau ou du moins libéré de la dictature de son cerveau ? Afin de trouver la réponse, je m'endormis, n'avais-je pas du sommeil en retard ?
Durant mon sommeil, je me retrouvai à la place où le serpent cosmique avait dormi entre deux cycles de l'univers. Je me vis tel une tête d'épingle plus vivant que jamais. L'activité dans ce point minuscule était d'une intensité incroyable. Je voyais toutes les anciennes planètes en ébullition, elles se purgeaient, se secouaient de leur glu alors que d'autres brillaient comme d'immenses soleils. Elles étaient toutes en mouvement, telles des abeilles s'échangeant des informations. On aurait dit qu'elles apprenaient des leçons.
"Oh Coco ! C'est plus subtil que cela, susurra une voix douce de perroquet. Tu bénéficies d'un privilège exceptionnel, celui de te trouver dans le creuset de plusieurs univers. Les danses précisent en effet le scénario imaginé par chaque Dieu originel. Tu connais déjà celui du serpent cosmique, mais vois, il s'en prépare d'autres. Tu pourrais trouver ta place dans la combinaison de ces douze univers, non ?"
Je me réveillai à ce moment du rêve, tout heureux d'avoir reçu une suggestion. Il me restait à la mettre en pratique tant mon coeur approuvait en battant la chamade. Je refermai les yeux, j'étais conscient cette fois. Je me vis semblable au serpent cosmique avec un corps allongé, tellement étiré qu'il s'étendait d'un bout de l'univers à l'autre. Ensuite, il se réduisit à un minuscule fil de soie. Il s'enroula dans les contours des autres univers que je ne parvenais pourtant pas à distinguer. "Ils sont tous imbriqués les uns dans les autres et ton énergie sera leur ligne de démarcation", me souffla à nouveau la voix douce du perroquet.
"Dans cette position, tu seras entendu dans tous les univers dès que tu ouvriras la bouche. Je sais, c'est bien davantage que ton souhait initial, mais pourquoi te limiterais-tu ?" – "Oui, pourquoi me limiterai-je, enchaînai-je, mais je ne vois pas d'organe phonateur dans mon corps entièrement filiforme, ajoutai-je." – "C'est exact, cependant, je te ferai remarquer les minuscules excroissances qui parsèment ton corps. Ce sont des ouvertures pour le son. Tu es une voix à mille bouches. Distingues-tu l'endroit de ta voix ?" – "Non, dis-je. Je ne reconnais aucun aspect de moi-même qui y ressemblerait."
"Ah, ah, n'avais-tu point souhaité t'exprimer uniquement par la voix de ton coeur ? Regarde le dessin final de ton corps." A ma surprise, les fils de mon corps formaient un immense coeur au milieu duquel figurait une belle petite bouche toute prête à s'exprimer. "Voilà, tu as choisi la voie du coeur et, à ton insu, tu as transformé ton propre corps en fil d'amour. Tu as choisi d'être la voix du coeur et tu as créé ta propre bouche. Tu es le souffle, sans cesse renouvelé par la source d'amour que tu es. Le souffle est une parole, une parole qui crée, une parole qui guérit. Cela t'en dit-il assez long sur ton potentiel de création ? Cesse d'être un dieu timoré, soit Dieu; un point c'est tout."
J'accueillis calmement cette injonction. "Au fond, je suis capable d'assumer les choix que j'ai fais seul, en toute souveraineté, me dis-je." J'en pris bonne note une fois pour toutes. "Je suis cette voix, je suis ce coeur" criai-je malgré moi. Aussitôt, je vis les premières formes de vie se tortiller d'aise dans chaque univers. "Quelle merveille suis-je donc ! Je suis capable d'offrir du bien être à tous les atomes où qu'ils soient localisés." Je perçus également des interactions précises entre les divers univers. J'aurais juré qu'ils se reflétaient les uns les autres selon des modalités encore insaisissables. Je sus que je les découvrirais au cours de ce cycle de vie.
Il me reste à vous dire que le serpent cosmique est en train de s'éveiller, de s'étirer et de respirer à l'envers, c'est-à-dire d'inspirer. Nous avons atteint la moitié de ce cycle et l'oreille de votre coeur va bientôt entendre ma voix. À aucun instant, je n'ai cessé de chanter. Vous m'avez entendu lorsque votre être était plus conscient, dans un milieu favorable. Actuellement, grâce à votre lumière, la Terre se transforme. Elle devient un espace où ma voix résonnera naturellement.
Alors, le serpent cosmique se montrera, furtivement d'abord, dans sa pleine lumière ensuite. Et vous m'entendrez chanter sa louange, et la mienne, et la vôtre, tous acteurs de l'évolution tant souhaitée par la famille des dieux que nous sommes.
Creusez, creusez en profondeur la galerie de votre coeur.
C'est le dernier commandement.
Ensuite, vous volerez librement, au diapason de tous les coeurs.
La voix du serpent cosmique.
Le premier et le plus connu est de se montrer tantôt sous sa forme rampante et tantôt sous l'aspect d'un bâton torsadé que seuls les Dieux sont en mesure d'utiliser pour avancer dans leur cosmos.
Je suis la voix du serpent cosmique, celui qui dort actuellement, lové sur lui-même au calme, dans un autre univers. Il m'a demandé d'être son porte parole, son amplificateur dans votre univers. Il m'a laissé le libre choix d'élever la voix, de chuchoter ou de parler en silence au creux de votre coeur. Malgré que je puisse me faire entendre partout, j'ai une petite bouche, et, dans votre galaxie, je parle encore en sourdine, je risquerais d'effrayer certains. Les mots écrits sont une voix silencieuse, tandis que les mots contés sont une voie douce vers la connaissance.
Comment suis-je devenu un arbre à paroles, un moulin à vent actionné par une si noble conscience ? Comment puis-je parler sans arrêt dans le cosmos sans me fatiguer un seul instant ? Voilà quelques aspects d'une réalité encore ignorée que ce conte vous révélera. Sachez d'abord que je vis sur une frontière. Je ne connais pas d'autre mot dans votre vocabulaire pour vous parler d'une séparation, séparation bien réelle entre divers univers, réelle et inexistante !
Suivez un instant ma petite explication. Les divers univers sont lovés les uns dans les autres et cependant, ils sont distincts. Ils sont présents à portée de votre main et néanmoins vous ne pouvez y accéder. Et moi, je me faufile dans l'infime espace qui les sépare les uns des autres. C'est ainsi que je suis capable de parler à l'oreille de chacun sans me fatiguer puisque mon énergie circule en permanence autour de vous, si proche et si insaisissable.
Je sais que vous préférez les belles histoires aux explications trop cérébrales. Alors, je vais vous ravir car je n'ai pas de cerveau, je suis juste une voix. Voici mon histoire. À l'aube de l'aube, de l'aube des temps survint un petit accident. Oh ! Rien de bien spectaculaire, un banal accident de circulation. Dans un espace très confiné, deux comètes se sont télescopées.
D'où elles venaient et comment il était possible que deux masses aussi énormes pénètrent dans un endroit minuscule et y entrent en collision ? Voilà une question. Dans le petit espace dont je vous parle, sommeillait un énorme potentiel de vie sans aucune conscience d'exister. C'était l'espace dormant, à peine une tête d'épingle bourrée des germes de toutes les créations possibles et imaginables.
Et voilà que deux vulgaires comètes viennent y provoquer un boum retentissant que personne n'a entendu à part elles-mêmes. Se pourrait-il que ces comètes soient en vie avant la vie, je veux dire avant que la vie n'existe ? Voilà une superbe question existentielle pour les cerveaux curieux.
Mais à cette époque-là, tout est simple. Chaque atome, chaque puits de conscience se plaît à faire le constat de l'accident. Aucun ne pose les questions d'usage : est-ce voulu par quelqu'un qui tire les ficelles, qui est responsable, à qui la faute, qui va réparer les dégâts...? Il n'y a ni dégât, ni faute, ni responsable mais une attitude béate : " Oh ! Il s'est passé quelque chose là où il ne se passait rien jusqu'à ce jour. "
Rien jusqu'à ce jour, c'est vite dit, la tête d'épingle devait bien avoir été créée par quelqu'un et les comètes également. Voilà le cerveau raisonneur reparti pour un tour de piste ! Ne peut-il retenir une fois pour toutes que la conscience a toujours existé. Elle a plus d'une fois pris plaisir à s'étirer et puis à se replier sur elle-même. C'est sa façon d'accumuler les expériences.
Dans le récit actuel, la conscience est endormie, recroquevillée sur elle-même dans la petite tête d'épingle. Elle avait besoin d'un réveil matin pour sortir de sa torpeur et recommencer un nouveau cycle d'expansion. Avant de s'endormir, elle avait demandé le concours de deux comètes pour venir la réveiller en temps voulu. Ces comètes avaient choisi de rester éveillées et elles avaient occupé le non espace, jouant à se miniaturiser et à s'étendre à l'infini.
Elles avaient bénéficié du privilège de rester actives alors que la conscience se reposait profondément et que tout l'espace s'était replié sur lui-même. Elles avaient découvert bien des choses, notamment la clé pour se mouvoir dans le non espace. Elles avaient profité de leur séjour dans l'anti matière pour mémoriser les codes de la vie quotidienne et ceux de la vie potentielle, condensée et invisible. Elles avaient eu l'occasion de passer de l'une à l'autre avec une dextérité croissante. C'était leur manière de se préparer à réveiller la Conscience conformément à la tâche précise qu'elles avaient acceptée de remplir pour elle.
Voyez-vous ces deux comètes, énormes avec leur queue pleine d'énergie vitale et l'instant d'après, ces mêmes masses, passant à travers la tête d'épingle pour s'y percuter à l'intérieur ? Prodigieux, non ! Et bien je suis ces deux comètes, amis, amies. En effet, notre collision n'était qu'un prétexte pour nous unifier. En fusionnant, nous allions dégager une puissante énergie, celle dont la respiration de la Conscience avait besoin pour se propulser à nouveau dans le non espace afin de le remplir de vie.
Cette conscience, voyez-vous, est celle du serpent cosmique. Sa fabuleuse inspiration d'artiste, l'avait poussé à commencer un nouveau cycle de vie par le spectacle des comètes virtuoses. Jusqu'à ce moment, j'étais double, et au début du nouvel expir de la Conscience, je suis devenu "un". À son réveil, le serpent cosmique n'a pas hésité un seul instant. Il m'a serré dans ses bras en me parlant longuement.
"Tu connais maintenant autant de secrets de la création que moi, tu viens de réussir des épreuves exceptionnelles et je sais que tu n'as plus besoin d'en passer d'autres pour être mon égal à chaque instant. Veux-tu devenir mon porte-parole, mon porte-voix là où la vie aura besoin d'être activée. Je vais créer cette fois un univers dans lequel le vivant aura beaucoup de liberté. Je sais déjà qu'il s'en servira souvent pour ses intérêts personnels."
"Je sais également que la vie-lumière et la vie-ombre auront à se mêler et à se démêler créant parfois des situations inextricables. Tout cela fortifiera le vivant comme jamais auparavant. Mais pour se retrouver fiers d'être dieu, tel que tu l'es, chaque entité vivante apprendra à connaître la matière sous tous ses aspects. Elle sera capable de la densifier, de l'illuminer ou d'y pénétrer à sa guise. Elle utilisera l'intelligence de son coeur et la puissance de son amour. Voilà, le programme de cette création. Qu'en penses-tu ?"
Je restai bouche bée, ne sachant que répondre et je dis : "ils vont devoir chercher et chercher encore toutes les combinaisons de vie. Je vois déjà un nombre incalculable de laboratoires dans lesquels les dieux mineurs tenteront toutes sortes d'expériences".
"C'est bien cela le but recherché; au plus les entités vivantes se connaîtront elles-mêmes, au plus elles deviendront des dieux vigoureux. Et puis rappelle-toi : les progrès qu'elles enregistrent sont également mes propres progrès. J'apprends à me connaître à travers les gestes de ces créatures, toutes issues de mes énergies. Je connais leur aventure, instant après instant comme si j'étais eux. N'est-ce pas palpitant ?"
"Si, assurément", répondis-je, "mais quelles tâches me réserves-tu dans cet univers ?" – "Comprends moi bien, je ne peux te les décrire à l'avance, sans quoi tu ne serais plus libre d'agir selon le bon vouloir de ton coeur. Je te demande simplement d'être mon messager, ma parole permanente. Je sollicite ton accord pour cette fonction. Tu la rempliras à ta guise. Comprends-tu, es-tu d'accord ?"
Je me rendais compte que le serpent cosmique tentait une nouvelle expérience. Je ne pouvais encore cerner sa véritable portée mais l'idée d'agir en toute liberté, sans aucun commandement de sa part, me touchait. "D'accord, je suis ton dieu et je soufflerai par ma bouche les paroles dictées par mon coeur. Je déclare déjà une chose : j'expérimenterai cette fonction sans utiliser mon cerveau, je n'agirai qu'avec l'intelligence du coeur."
"En voilà du culot", me dit-il, "j'apprécie ton choix, même s'il te place sur le fil du rasoir." – "Que feras-tu dans cet univers" lui demandais-je. – "Je ne sais pas encore, je suivrai pas à pas les créations et les réalisations de toutes les énergies qui me prolongent. De temps en temps, j'apparaîtrai fugacement dans le cosmos toujours sous ma forme de serpent. Je me rendrai parfois visible à tous et à toutes et d'autres fois, seules les créatures ayant l'oeil ouvert me verront. Tu peux être tranquille, je serai toujours à tes côtés, même si tu ne vois plus. Tu pourras me consulter, mais je ne prendrai aucune décision à ta place."
"Pourquoi te montreras-tu dans le ciel cosmique ? Je n'en vois guère la raison, poursuivis-je. Et puis, comment est-il possible qu'à un moment donné je ne te perçoive plus alors que je suis ton égal ?" – "Oh ! Je compte bien rester dans l'ombre de sorte que tous les êtres vivants me cherchent activement. Toutefois, il y aura des moments où leur insécurité et leur indécision seront telles, que le court passage d'un serpent lumineux dans le cosmos déscristallisera quelques situations dégradées.
Entre-temps, il te reviendra de faire entendre ma voix dans l'oreille du coeur de chacun, ce n'est pas une mince tâche. Pourquoi ne me verrais-tu plus, me demandes-tu ? Et bien, une fois entré dans cet univers, tu pourrais très bien être emporté dans des tourbillons t'entraînant dans des espaces denses où ma présence est invisible."
Je le remerciai de sa franchise et pris congé afin de faire le tour de la situation. Ma première réaction fut de me dire que je ne voulais en aucun cas perdre le contact avec lui. J'avais à découvrir une position rendant mon choix opérationnel. Je pensai à la forme que je prendrais. À quoi pourrait bien ressembler un être de coeur dépourvu de cerveau ou du moins libéré de la dictature de son cerveau ? Afin de trouver la réponse, je m'endormis, n'avais-je pas du sommeil en retard ?
Durant mon sommeil, je me retrouvai à la place où le serpent cosmique avait dormi entre deux cycles de l'univers. Je me vis tel une tête d'épingle plus vivant que jamais. L'activité dans ce point minuscule était d'une intensité incroyable. Je voyais toutes les anciennes planètes en ébullition, elles se purgeaient, se secouaient de leur glu alors que d'autres brillaient comme d'immenses soleils. Elles étaient toutes en mouvement, telles des abeilles s'échangeant des informations. On aurait dit qu'elles apprenaient des leçons.
"Oh Coco ! C'est plus subtil que cela, susurra une voix douce de perroquet. Tu bénéficies d'un privilège exceptionnel, celui de te trouver dans le creuset de plusieurs univers. Les danses précisent en effet le scénario imaginé par chaque Dieu originel. Tu connais déjà celui du serpent cosmique, mais vois, il s'en prépare d'autres. Tu pourrais trouver ta place dans la combinaison de ces douze univers, non ?"
Je me réveillai à ce moment du rêve, tout heureux d'avoir reçu une suggestion. Il me restait à la mettre en pratique tant mon coeur approuvait en battant la chamade. Je refermai les yeux, j'étais conscient cette fois. Je me vis semblable au serpent cosmique avec un corps allongé, tellement étiré qu'il s'étendait d'un bout de l'univers à l'autre. Ensuite, il se réduisit à un minuscule fil de soie. Il s'enroula dans les contours des autres univers que je ne parvenais pourtant pas à distinguer. "Ils sont tous imbriqués les uns dans les autres et ton énergie sera leur ligne de démarcation", me souffla à nouveau la voix douce du perroquet.
"Dans cette position, tu seras entendu dans tous les univers dès que tu ouvriras la bouche. Je sais, c'est bien davantage que ton souhait initial, mais pourquoi te limiterais-tu ?" – "Oui, pourquoi me limiterai-je, enchaînai-je, mais je ne vois pas d'organe phonateur dans mon corps entièrement filiforme, ajoutai-je." – "C'est exact, cependant, je te ferai remarquer les minuscules excroissances qui parsèment ton corps. Ce sont des ouvertures pour le son. Tu es une voix à mille bouches. Distingues-tu l'endroit de ta voix ?" – "Non, dis-je. Je ne reconnais aucun aspect de moi-même qui y ressemblerait."
"Ah, ah, n'avais-tu point souhaité t'exprimer uniquement par la voix de ton coeur ? Regarde le dessin final de ton corps." A ma surprise, les fils de mon corps formaient un immense coeur au milieu duquel figurait une belle petite bouche toute prête à s'exprimer. "Voilà, tu as choisi la voie du coeur et, à ton insu, tu as transformé ton propre corps en fil d'amour. Tu as choisi d'être la voix du coeur et tu as créé ta propre bouche. Tu es le souffle, sans cesse renouvelé par la source d'amour que tu es. Le souffle est une parole, une parole qui crée, une parole qui guérit. Cela t'en dit-il assez long sur ton potentiel de création ? Cesse d'être un dieu timoré, soit Dieu; un point c'est tout."
J'accueillis calmement cette injonction. "Au fond, je suis capable d'assumer les choix que j'ai fais seul, en toute souveraineté, me dis-je." J'en pris bonne note une fois pour toutes. "Je suis cette voix, je suis ce coeur" criai-je malgré moi. Aussitôt, je vis les premières formes de vie se tortiller d'aise dans chaque univers. "Quelle merveille suis-je donc ! Je suis capable d'offrir du bien être à tous les atomes où qu'ils soient localisés." Je perçus également des interactions précises entre les divers univers. J'aurais juré qu'ils se reflétaient les uns les autres selon des modalités encore insaisissables. Je sus que je les découvrirais au cours de ce cycle de vie.
Il me reste à vous dire que le serpent cosmique est en train de s'éveiller, de s'étirer et de respirer à l'envers, c'est-à-dire d'inspirer. Nous avons atteint la moitié de ce cycle et l'oreille de votre coeur va bientôt entendre ma voix. À aucun instant, je n'ai cessé de chanter. Vous m'avez entendu lorsque votre être était plus conscient, dans un milieu favorable. Actuellement, grâce à votre lumière, la Terre se transforme. Elle devient un espace où ma voix résonnera naturellement.
Alors, le serpent cosmique se montrera, furtivement d'abord, dans sa pleine lumière ensuite. Et vous m'entendrez chanter sa louange, et la mienne, et la vôtre, tous acteurs de l'évolution tant souhaitée par la famille des dieux que nous sommes.
Creusez, creusez en profondeur la galerie de votre coeur.
C'est le dernier commandement.
Ensuite, vous volerez librement, au diapason de tous les coeurs.
La voix du serpent cosmique.