Mon coeur mélodieux, blessé par l'Infini,
Est venu se guérir près de toi, solitude !
Pose ta gravité sur mon inquiétude,
Et baigne mes rancoeurs au sein de ton oubli.

Apaise mes regrets par ta grande tendresse,
Donne-moi ton silence où reposer ma voix,
Mère des coeurs de force et de douceur, dis-moi
Comment porter le mien sans crainte ni faiblesse.

Mets ta sève de paix dans le feu de mon sang,
Âme des astres d'or, lumière de mon âme.
Et que je me réchauffe au baiser de ta flamme
Avant de repartir dans un nouvel élan.

Fais que chaque rayon m'éclaire jusqu'aux moelles !
Je veux tant découvrir un peu de l'Inconnu !
Console-moi d'avoir le coeur désert et nu,
Et vaste...à contenir le jardin des étoiles !

Ô solitude ! Fais mon rêve simple et pur,
Et fais que jamais plus je ne craigne la vie.
Et puisque dans mes yeux tu mets ta poésie,
Dirige mes regards vers les yeux de l'azur ! Le mot "solitude" fait peur, car il est associé à des images négatives. Pour la plupart, ce mot évoque une situation subie, non souhaitée, et il est synonyme d'une grande souffrance. Mais il y a une solitude qui, loin d'être isolement, est au contraire plénitude.

La souffrance humaine de l'isolement est réelle : dès que l'être humain s'affirme et vit comme une entité séparée, il est seul face au monde. Il cherche alors à fuir cet isolement en nouant des affections, en fondant une famille, en s'entourant d'êtres, d'objets, de situations qui l'aident à oublier cette souffrance. Même dans la vie ordinaire, l'être humain se sent seul dès qu'il n'y a personne pour lui parler. Certains se sentent totalement perdus sans la compagnie des autres.

Et quand tout fait défaut à l'individu – quand les liens de la famille se distendent, quand les affections se perdent, quand la communication et le dialogue avec les autres deviennent impossibles dans une société qu'il ne comprend plus, quand Il est malade, quand il vieillit et que ses enfants le délaissent -, il souffre et plus rien ne dissimule la terrible vérité. Dans notre société moderne, où les réseaux de solidarité traditionnels – famille, église, syndicats – ne jouent plus le même rôle qu'autrefois, beaucoup d'êtres sont complètement isolés et désespérés.

Cette façon d'être seul est l'isolement.

La « solitude plénitude » est bien différente. Elle est un fruit de la recherche spirituelle et son accomplissement.

Celui qui a expérimenté, ou même seulement entrevu la profondeur spirituelle savourera les moments où il pourra être seul, pour communier avec son être intérieur.

Quand nous commençons notre vie spirituelle, nous entrons dans un plan plus profond et cessons de juger les choses simplement en surface. Les différences ne sont qu'à la surface des choses et celui qui vit à ce niveau est incapable de voir le lien entre l'être humain et l'être humain, entre une âme et une autre. Mais celui qui apprend à vivre en profondeur peu à peu voit partout l'unité. Quand le chercheur spirituel réalise cette unité de la vie et de la conscience, et s'unit avec le Soi universel, il expérimente l'état de parfaite solitude, de totale plénitude, « l'Un sans second » .

C'est progressivement que cet éveil à l'Unité et la conscience de la Totalité se font jour chez le chercheur spirituel.

Au début, l'effort du chercheur spirituel porte sur la transformation des valeurs qui guident sa vie quotidienne. Le développement de pensées et de sentiments nobles est le préalable nécessaire à toute vie spirituelle. Et l'expérience de tout chercheur spirituel démontre clairement la véracité de cette affirmation : en effet, dès que ces valeurs nous imprègnent, notre rapport au monde change. Si notre esprit est empli de pensées nobles, d'un idéal créatif, nous ne nous sentons plus isolés : nous recherchons au contraire les moments où nous pourrons être seuls avec ces pensées qui nous rendent heureux.

Quand la dévotion pour le Seigneur naît et grandit, elle renforce encore notre sensation de ne pas être seul. L'être empli de dévotion ne dépend plus du jugement des êtres humains, il n'est plus influencé par le monde. Il est complètement guide et protégé par le Divin. Dans tout ce qu'il entreprend, Il voit la main du Seigneur. Pour lui, Dieu est plus réel qu'une créature de chair. Il marche avec Dieu, il Lui parle, il vit avec Lui. Tout son être est centré sur le Seigneur.

Le fidèle approche la vision de l'Unité quand il sent la présence du Seigneur en lui et non plus en dehors. Le plus beau temple que nous puissions construire est notre propre coeur. Un temple est un lieu rendu sacré, où règne la sainteté. Nous pouvons créer un sanctuaire en nous, d'où toute colère est absente, purifié par l'appréciation, le pardon, la compassion, l'humilité, la compréhension et le courage. De ce lieu, naissent des actions faites avec grâce et la Présence divine est alors ressentie. Cette Présence se manifeste dans le silence intérieur.

Il y a deux façons de créer ce silence : par le vide du mental ou par la plénitude de la pensée.

Il est très difficile de vider volontairement le mental. Mais quand nous sommes capables de remplir le mental d'une pensée créatrice et positive, cela vide le mental de toute autre pensée perturbatrice. C'est pourquoi la pratique de la méditation est un élément si important de la vie spirituelle : celui qui médite se ferme temporairement au "bruit" du monde extérieur, à ses tentations et aux préoccupations qui s'y rattachent pour tenter de communier avec l'Infini.

La vie quotidienne, comme les pratiques spirituelles, permettent de remplir notre coeur de la pensée de Dieu : il faut nous efforcer de faire de Dieu une réalité, apprendre à maintenir cette lumière coûte que coûte, et fermement comprendre que le Divin est plus puissant que le monde matériel.

Quand notre confiance en Lui est totale, nous nous abandonnons à Lui, nous nous donnons totalement.

Quand nous faisons de Dieu une réalité, notre vie devient consacrée.

L'accomplissement naturel de ce service croissant est l'union avec le Divin et la réalisation du Soi, dans la vision de l'Unité. Le chercheur réalise alors qu'il n'y a qu'un seul facteur cosmique, présent en lui et en toutes créatures, principe de Vie et de Conscience, le Soi. Cet éveil élimine à jamais toute peur, puisque seul le Soi existe. Comment pourrait-on avoir peur de soi-même ?

C'est la raison pour laquelle la pratique du silence intérieur et la recherche de la solitude sont recommandées dans toutes les religions.

Le silence intérieur permet de sentir la Présence divine qui ne peut être perçue que lorsqu'est maitrisé l'ego et que disparaît toute notion de séparation. Le silence de l'esprit donne à notre être intérieur l'occasion d'écouter une voix qui est trop subtile pour notre oreille. Si nous savons chaque jour apaiser l'activité bruyante de notre esprit, nous créons une fontaine de force spirituelle.

Les moments de solitude sont nécessaires pour unifier notre être, loin des agitations du monde : ces moments où le coeur et l'esprit sont silencieux, où le corps est relâché, apaisent et rafraîchissent toutes nos énergies vitales.

Grâce à ces pratiques, nous évoluons spirituellement, nous devenons de plus en plus indépendants des circonstances extérieures, de plus en plus tolérants et bienveillants.

L'esprit bienveillant est un esprit silencieux.

Et cette évolution conduit à la vision ultime du sage, à son expérience de l'Unique, d'une solitude qui est plénitude.