Jésus et ses compagnons arrivèrent au camp apostolique ce mardi matin, un peu avant l'heure du repas matinal. En approchant, ils discernèrent une foule considérable assemblée autour des apôtres et ne tardèrent pas à entendre les bruyantes discussions et controverses de ce groupe d'une cinquantaine de personnes, comprenant les neuf apôtres. Le reste du groupe se divisait en une vingtaine de scribes de Jérusalem et autant de disciples croyants, qui avaient cherché à suivre Jésus et ses associés depuis leur départ de Magadan.
Bien que l'attroupement eût de nombreux sujets de discussion, la principale controverse concernait un citoyen de Tibériade, arrivé la veille, à la recherche de Jésus. Cet être humain, Jacques de Safed, avait un fils unique âgé d'environ quatorze ans, qui était affligé de graves crises d'épilepsie. En plus de cette maladie nerveuse, le garçon était devenu la proie de l'un de ces médians errants, malveillants et rebelles qui circulaient alors sur terre sans contrôle, si bien que l'enfant était à la fois épileptique et possédé par un démon.
Pendant près de quinze jours, son père anxieux, officier subalterne d'Hérode Antipas, avait parcouru la frontière occidentale des domaines de Philippe en cherchant Jésus pour le supplier de guérir son fils malade. Il ne joignit le groupe apostolique qu'à midi, le jour où Jésus se trouvait dans la montagne avec les trois apôtres.
Les neuf autres apôtres furent très surpris et fort troublés lorsque cet être humain, accompagné d'une quarantaine de personnes recherchant également Jésus, arriva sur eux à l'improviste. Au moment de l'arrivée de ce groupe, les neuf apôtres, ou du moins la majorité d'entre eux, avaient succombé à leur vieille tentation – celle de discuter qui serait le plus grand dans le royaume à venir; ils argumentaient sur les postes probables qui leur seraient attribués individuellement. Ils n'arrivaient pas à se libérer entièrement de l'idée longtemps chérie de la mission matérielle du Messie. Maintenant que Jésus lui-même avait accepté leur confession qu'il était vraiment le Libérateur – ayant au moins admis le fait de sa divinité – n'était-il pas naturel pour les apôtres, durant la période de séparation d'avec leur Maitre, d'en venir à parler des espoirs et des ambitions qui occupaient dans leur coeur une place prépondérante. Ils étaient lancés dans ces discussions lorsque Jacques de Safed et ses compagnons recherchant Jésus les surprirent.
André se leva pour accueillir ce père et son fils, et dit : “ Qui cherchez-vous ? ” Jacques de Safed répondit : “ Mon brave être humain, je suis à la recherche de ton Maitre et de la guérison de mon fils malade. Je voudrais que Jésus chasse le démon qui possède mon enfant. ” Et le père se mit à raconter aux apôtres que son fils était malade au point d'avoir maintes fois risqué de perdre la vie à cause de ces crises malignes.
Tandis que les apôtres écoutaient, Simon Zélotès et Judas Iscariot s'avancèrent devant le père en disant : “ Nous pouvons le guérir; tu n'as pas besoin d'attendre le retour du Maitre. Nous sommes ambassadeurs du royaume et nous avons cessé de garder ces choses secrètes. Jésus est le Libérateur, et les clefs du royaume nous ont été remises. ” À ce moment, André et Thomas se consultaient à l'écart, tandis que Nathanael et les autres observaient la scène avec stupéfaction; ils restèrent bouche bée devant la soudaine audace, sinon la présomption de Simon et de Judas. Le père dit alors : “ S'il vous a été donné de faire ces oeuvres, veuillez bien prononcer les paroles qui délivreront mon enfant de cet esclavage. ” Simon s'avança, posa sa main sur la tête de l'enfant, le regarda droit dans les yeux et dit : “ Esprit impur, sors de lui; au nom de Jésus, obéis-moi. ” Mais le garçon eut simplement une crise plus violente, tandis que les scribes tournaient les apôtres en dérision et que les croyants déçus subissaient les sarcasmes de ces critiques malveillants.
André fut profondément chagriné par cette tentative malencontreuse et son lamentable échec. Il réunit les apôtres à l'écart pour conférer et prier. Après cette période de méditation, piqué au vif par leur défaite et ressentant l'humiliation qui retombait sur eux tous, André fit une seconde tentative pour chasser le démon, mais, une fois de plus, l'insuccès couronna ses efforts. André confessa franchement sa défaite et pria le père de rester avec eux pour la nuit ou d'attendre le retour de Jésus en disant : “ Peut-être les démons de cette sorte ne s'en vont-ils que sur l'ordre personnel du Maitre. ”
Ainsi, tandis que Jésus redescendait du mont Hermon avec Pierre, Jacques et Jean, exubérants et ravis, leurs neuf frères ne dormaient pas non plus; ils étaient confondus, abattus et humiliés, et le sommeil les avait fuis. Ils formaient un groupe morne et désillusionné, mais Jacques de Safed ne voulut pas renoncer à sa tentative. Bien que les apôtres ne pussent lui donner la moindre idée de la date du retour de Jésus, il décida de rester jusqu'à ce que le Maitre revienne.
À l'approche de Jésus, les neuf apôtres furent plus que soulagés de l'accueillir et grandement encouragés d'observer la bonne humeur et l'enthousiasme insolite que reflétaient les expressions de visage de Pierre, Jacques et Jean. Ils se précipitèrent tous pour accueillir Jésus et leurs trois frères. Tandis qu'ils échangeaient des salutations, la foule arriva, et Jésus demanda : “ Que discutiez-vous au moment de notre arrivée ? ” Avant que les apôtres déconcertés et humiliés aient eu le temps de répondre au Maitre, le père anxieux du jeune malade s'avança, s'agenouilla aux pieds de Jésus et dit : “ Maitre, j'ai un fils, un fils unique, possédé par un esprit mauvais. Quand il est saisi, non seulement il pousse des cris de terreur, bave et tombe comme mort, mais le mauvais esprit qui le possède provoque, à certains moments, des convulsions déchirantes et parfois le jette dans l'eau et même dans le feu. Mon enfant dépérit, avec des grincements de dents, à la suite de ses nombreuses meurtrissures. Sa vie est pire que la mort. Sa mère et moi avons le coeur triste et l'esprit abattu. Hier, vers midi, en te cherchant, j'ai rejoint tes disciples. En t'attendant, tes apôtres ont essayé de chasser ce démon, mais sans y parvenir. Et, maintenant, Maitre, veux-tu faire cela pour nous, veux-tu guérir mon fils ? ”
Après l'audition de ce récit, Jésus toucha le père agenouillé, le pria de se lever, jeta un regard scrutateur sur les apôtres et dit à tous ceux qui se tenaient devant lui : “ O génération perverse et sans foi, jusqu'à quand vous supporterai-je ? Combien de temps serai-je parmi vous ? Combien de temps vous faudra-t-il pour apprendre que les oeuvres de la foi ne se manifestent pas à la demande de l'incroyance sceptique ? ” Puis, montrant du doigt le père déconcerté, Jésus dit : “ Amène ici ton fils. ” Et, lorsque Jacques de Safed eut amené le jeune être humain, Jésus lui demanda : “ Depuis combien de temps le garçon est-il affligé de cette manière ? ” Le père répondit : “ Depuis qu'il est tout petit. ” Au cours de cet entretien, le garçon fut saisi d'une violente attaque et tomba au milieu d'eux, grinçant des dents et écumant de la bouche. Après une succession de violentes convulsions, il resta étendu comme mort devant eux. Le père s'agenouilla de nouveau aux pieds de Jésus, et implora le Maitre en disant : “ Si tu peux le guérir, je te supplie d'avoir compassion de nous et de nous délivrer de cette affliction. ” À l'audition de ces paroles, Jésus abaissa son regard pour scruter le visage anxieux du père et dit : “ Ne mets pas en doute le pouvoir d'amour de mon Père, mais seulement la sincérité et la portée de ta foi. Toutes choses sont possibles pour celui qui croit réellement. ” Alors, Jacques de Safed prononça ces paroles mêlées de foi et de doute, dont on se souviendra longtemps : “ Seigneur, je crois, je te prie de venir au secours de mon incrédulité. ”
Quand Jésus entendit ces mots, il s'avança, prit le garçon par la main et dit : “ Je vais faire cela selon la volonté de mon Père et en l'honneur de la foi vivante. Mon fils, lève-toi ! Esprit désobéissant, sors de lui et n'y reviens pas. ” Puis Jésus plaça la main du fils dans celle du père et dit : “ Va ton chemin. Le Père a exaucé le désir de ton âme. ” Et tous les assistants, même les ennemis de Jésus, furent étonnés de ce qu'ils avaient vu.
Quant aux trois apôtres qui avaient joui si récemment de l'extase spirituelle des scènes et expériences de la transfiguration, ce fut en vérité une désillusion pour eux que de revenir si tôt sur la scène de la défaite et de la déconfiture de leurs compagnons apôtres. Mais il en fut toujours ainsi avec ces douze ambassadeurs du royaume. Ils alternaient constamment entre l'exaltation et l'humiliation dans les expériences de leur vie.
En l'espèce, il s'agissait de la vraie guérison d'une double affliction, un mal physique et une maladie d'esprit. La guérison du garçon fut permanente à dater de cette heure. Quand Jacques de Safed fut parti avec son fils en bonne santé, Jésus dit : “ Nous allons maintenant à Césarée de Philippe; préparez-vous immédiatement. ” Et ce fut un groupe silencieux qui entreprit le voyage vers le sud, tandis que la foule suivait de loin.
Les douze passèrent encore la nuit chez Celsus. Ce soir-là, dans le jardin, après qu'ils eurent diné et pris un peu de repos, ils se réunirent autour de Jésus, et Thomas dit : “ Maitre, ceux d'entre nous qui sont restés ici ignorent encore ce qui s'est passé sur la montagne et qui a si grandement encouragé nos frères qui t'accompagnaient. Mais nous désirons ardemment que tu nous parles de notre défaite et que tu nous instruises en ces matières, car nous voyons que les évènements survenus dans la montagne ne peuvent nous être révélés en ce moment. ”
Jésus répondit à Thomas en disant : “ Tout ce que vos frères ont entendu sur la montagne vous sera révélé en temps voulu. Je vais maintenant vous montrer la cause de votre échec dans votre tentative si mal avisée. Hier, pendant que votre Maitre et ses compagnons, vos frères, montaient là-bas sur la montagne pour rechercher une connaissance plus étendue de la volonté du Père et pour demander à être plus richement doués de sagesse afin d'exécuter efficacement cette volonté divine, vous restiez ici à veiller. Vous aviez reçu instruction de vous efforcer d'acquérir un mental spirituellement clairvoyant, et prier avec nous pour une révélation plus complète de la volonté du Père. Or, vous n'avez pas mis en oeuvre la foi qui était à vos ordres; au lieu de cela, vous avez cédé à la tentation; vous êtes retombés dans vos anciennes et pernicieuses tendances à rechercher pour vous-mêmes des postes de choix dans le royaume des cieux – que vous persistez à imaginer sous un aspect matériel et temporel. Vous vous attachez à ces conceptions erronées malgré mes déclarations réitérées que mon royaume n'est pas de ce monde.
À peine saisissez-vous, par la foi, l'identité du Fils de l'Homme, que votre désir égoïste d'une promotion terrestre s'insinue de nouveau en vous, et vous recommencez à discuter entre vous pour savoir qui sera le plus grand dans le royaume des cieux. Or, ce royaume n'existe pas et n'existera jamais sous la forme où vous le concevez. Ne vous ai-je pas dit que celui qui voudrait être le plus grand dans le royaume de la fraternité spirituelle de mon Père doit devenir peu de chose à ses propres yeux et devenir ainsi le serviteur de ses frères ? La grandeur spirituelle consiste en un amour compréhensif semblable à celui de Dieu, et non à jouir de l'exercice du pouvoir matériel pour l'exaltation du moi. Dans la tentative où vous avez subi un échec si total, votre dessein n'était pas pur. Votre mobile n'était pas divin. Votre idéal n'était pas spirituel. Votre ambition n'était pas altruiste. Votre manière de faire n'était pas fondée sur l'amour, et le but que vous vouliez atteindre n'était pas la volonté du Père qui est aux cieux. ”
“ Combien de temps vous faudra-t-il pour apprendre que l'on ne peut abréger le cours des phénomènes naturels établis, sauf quand de telles choses sont conformes à la volonté du Père ? On ne peut pas non plus accomplir une oeuvre spirituelle en l'absence de pouvoir spirituel. Même si ces possibilités sont potentiellement présentes, on ne peut les réaliser sans l'existence d'un troisième facteur humain essentiel, l'expérience personnelle de posséder une foi vivante. Faudra-t-il toujours que vous assistiez à des manifestations matérielles pour vous attirer vers les réalités spirituelles du royaume ? Ne pouvez-vous saisir la signification spirituelle de ma mission sans la démonstration visible d'oeuvres inhabituelles ? Quand pourra-t-on compter sur vous pour adhérer aux réalités spirituelles supérieures du royaume indépendamment de l'aspect extérieur de toute manifestation matérielle ? ”
En conclusion de l'expérience de cette journée, laissez-moi répéter à chacun de vous ce que j'ai dit à vos frères sur la montagne, et gravez profondément ces paroles dans votre coeur : le Fils de l'Homme entre maintenant dans la dernière phase de son effusion. Nous allons entreprendre les travaux qui conduiront bientôt à la grande épreuve finale de votre foi et de votre dévotion, quand je serai livré aux mains des êtres humains qui cherchent à me détruire. Rappelez-vous ce que je vous dis : “ Le Fils de l'Homme sera mis à mort, mais il ressuscitera. ”
Ils se retirèrent pour la nuit, pleins de tristesse. Ils étaient désemparés et ne pouvaient saisir le sens de ces paroles. Ils avaient peur de poser une question sur ce que Jésus avait dit, mais ils se souvinrent de tout après la résurrection.
Bien que l'attroupement eût de nombreux sujets de discussion, la principale controverse concernait un citoyen de Tibériade, arrivé la veille, à la recherche de Jésus. Cet être humain, Jacques de Safed, avait un fils unique âgé d'environ quatorze ans, qui était affligé de graves crises d'épilepsie. En plus de cette maladie nerveuse, le garçon était devenu la proie de l'un de ces médians errants, malveillants et rebelles qui circulaient alors sur terre sans contrôle, si bien que l'enfant était à la fois épileptique et possédé par un démon.
Pendant près de quinze jours, son père anxieux, officier subalterne d'Hérode Antipas, avait parcouru la frontière occidentale des domaines de Philippe en cherchant Jésus pour le supplier de guérir son fils malade. Il ne joignit le groupe apostolique qu'à midi, le jour où Jésus se trouvait dans la montagne avec les trois apôtres.
Les neuf autres apôtres furent très surpris et fort troublés lorsque cet être humain, accompagné d'une quarantaine de personnes recherchant également Jésus, arriva sur eux à l'improviste. Au moment de l'arrivée de ce groupe, les neuf apôtres, ou du moins la majorité d'entre eux, avaient succombé à leur vieille tentation – celle de discuter qui serait le plus grand dans le royaume à venir; ils argumentaient sur les postes probables qui leur seraient attribués individuellement. Ils n'arrivaient pas à se libérer entièrement de l'idée longtemps chérie de la mission matérielle du Messie. Maintenant que Jésus lui-même avait accepté leur confession qu'il était vraiment le Libérateur – ayant au moins admis le fait de sa divinité – n'était-il pas naturel pour les apôtres, durant la période de séparation d'avec leur Maitre, d'en venir à parler des espoirs et des ambitions qui occupaient dans leur coeur une place prépondérante. Ils étaient lancés dans ces discussions lorsque Jacques de Safed et ses compagnons recherchant Jésus les surprirent.
André se leva pour accueillir ce père et son fils, et dit : “ Qui cherchez-vous ? ” Jacques de Safed répondit : “ Mon brave être humain, je suis à la recherche de ton Maitre et de la guérison de mon fils malade. Je voudrais que Jésus chasse le démon qui possède mon enfant. ” Et le père se mit à raconter aux apôtres que son fils était malade au point d'avoir maintes fois risqué de perdre la vie à cause de ces crises malignes.
Tandis que les apôtres écoutaient, Simon Zélotès et Judas Iscariot s'avancèrent devant le père en disant : “ Nous pouvons le guérir; tu n'as pas besoin d'attendre le retour du Maitre. Nous sommes ambassadeurs du royaume et nous avons cessé de garder ces choses secrètes. Jésus est le Libérateur, et les clefs du royaume nous ont été remises. ” À ce moment, André et Thomas se consultaient à l'écart, tandis que Nathanael et les autres observaient la scène avec stupéfaction; ils restèrent bouche bée devant la soudaine audace, sinon la présomption de Simon et de Judas. Le père dit alors : “ S'il vous a été donné de faire ces oeuvres, veuillez bien prononcer les paroles qui délivreront mon enfant de cet esclavage. ” Simon s'avança, posa sa main sur la tête de l'enfant, le regarda droit dans les yeux et dit : “ Esprit impur, sors de lui; au nom de Jésus, obéis-moi. ” Mais le garçon eut simplement une crise plus violente, tandis que les scribes tournaient les apôtres en dérision et que les croyants déçus subissaient les sarcasmes de ces critiques malveillants.
André fut profondément chagriné par cette tentative malencontreuse et son lamentable échec. Il réunit les apôtres à l'écart pour conférer et prier. Après cette période de méditation, piqué au vif par leur défaite et ressentant l'humiliation qui retombait sur eux tous, André fit une seconde tentative pour chasser le démon, mais, une fois de plus, l'insuccès couronna ses efforts. André confessa franchement sa défaite et pria le père de rester avec eux pour la nuit ou d'attendre le retour de Jésus en disant : “ Peut-être les démons de cette sorte ne s'en vont-ils que sur l'ordre personnel du Maitre. ”
Ainsi, tandis que Jésus redescendait du mont Hermon avec Pierre, Jacques et Jean, exubérants et ravis, leurs neuf frères ne dormaient pas non plus; ils étaient confondus, abattus et humiliés, et le sommeil les avait fuis. Ils formaient un groupe morne et désillusionné, mais Jacques de Safed ne voulut pas renoncer à sa tentative. Bien que les apôtres ne pussent lui donner la moindre idée de la date du retour de Jésus, il décida de rester jusqu'à ce que le Maitre revienne.
À l'approche de Jésus, les neuf apôtres furent plus que soulagés de l'accueillir et grandement encouragés d'observer la bonne humeur et l'enthousiasme insolite que reflétaient les expressions de visage de Pierre, Jacques et Jean. Ils se précipitèrent tous pour accueillir Jésus et leurs trois frères. Tandis qu'ils échangeaient des salutations, la foule arriva, et Jésus demanda : “ Que discutiez-vous au moment de notre arrivée ? ” Avant que les apôtres déconcertés et humiliés aient eu le temps de répondre au Maitre, le père anxieux du jeune malade s'avança, s'agenouilla aux pieds de Jésus et dit : “ Maitre, j'ai un fils, un fils unique, possédé par un esprit mauvais. Quand il est saisi, non seulement il pousse des cris de terreur, bave et tombe comme mort, mais le mauvais esprit qui le possède provoque, à certains moments, des convulsions déchirantes et parfois le jette dans l'eau et même dans le feu. Mon enfant dépérit, avec des grincements de dents, à la suite de ses nombreuses meurtrissures. Sa vie est pire que la mort. Sa mère et moi avons le coeur triste et l'esprit abattu. Hier, vers midi, en te cherchant, j'ai rejoint tes disciples. En t'attendant, tes apôtres ont essayé de chasser ce démon, mais sans y parvenir. Et, maintenant, Maitre, veux-tu faire cela pour nous, veux-tu guérir mon fils ? ”
Après l'audition de ce récit, Jésus toucha le père agenouillé, le pria de se lever, jeta un regard scrutateur sur les apôtres et dit à tous ceux qui se tenaient devant lui : “ O génération perverse et sans foi, jusqu'à quand vous supporterai-je ? Combien de temps serai-je parmi vous ? Combien de temps vous faudra-t-il pour apprendre que les oeuvres de la foi ne se manifestent pas à la demande de l'incroyance sceptique ? ” Puis, montrant du doigt le père déconcerté, Jésus dit : “ Amène ici ton fils. ” Et, lorsque Jacques de Safed eut amené le jeune être humain, Jésus lui demanda : “ Depuis combien de temps le garçon est-il affligé de cette manière ? ” Le père répondit : “ Depuis qu'il est tout petit. ” Au cours de cet entretien, le garçon fut saisi d'une violente attaque et tomba au milieu d'eux, grinçant des dents et écumant de la bouche. Après une succession de violentes convulsions, il resta étendu comme mort devant eux. Le père s'agenouilla de nouveau aux pieds de Jésus, et implora le Maitre en disant : “ Si tu peux le guérir, je te supplie d'avoir compassion de nous et de nous délivrer de cette affliction. ” À l'audition de ces paroles, Jésus abaissa son regard pour scruter le visage anxieux du père et dit : “ Ne mets pas en doute le pouvoir d'amour de mon Père, mais seulement la sincérité et la portée de ta foi. Toutes choses sont possibles pour celui qui croit réellement. ” Alors, Jacques de Safed prononça ces paroles mêlées de foi et de doute, dont on se souviendra longtemps : “ Seigneur, je crois, je te prie de venir au secours de mon incrédulité. ”
Quand Jésus entendit ces mots, il s'avança, prit le garçon par la main et dit : “ Je vais faire cela selon la volonté de mon Père et en l'honneur de la foi vivante. Mon fils, lève-toi ! Esprit désobéissant, sors de lui et n'y reviens pas. ” Puis Jésus plaça la main du fils dans celle du père et dit : “ Va ton chemin. Le Père a exaucé le désir de ton âme. ” Et tous les assistants, même les ennemis de Jésus, furent étonnés de ce qu'ils avaient vu.
Quant aux trois apôtres qui avaient joui si récemment de l'extase spirituelle des scènes et expériences de la transfiguration, ce fut en vérité une désillusion pour eux que de revenir si tôt sur la scène de la défaite et de la déconfiture de leurs compagnons apôtres. Mais il en fut toujours ainsi avec ces douze ambassadeurs du royaume. Ils alternaient constamment entre l'exaltation et l'humiliation dans les expériences de leur vie.
En l'espèce, il s'agissait de la vraie guérison d'une double affliction, un mal physique et une maladie d'esprit. La guérison du garçon fut permanente à dater de cette heure. Quand Jacques de Safed fut parti avec son fils en bonne santé, Jésus dit : “ Nous allons maintenant à Césarée de Philippe; préparez-vous immédiatement. ” Et ce fut un groupe silencieux qui entreprit le voyage vers le sud, tandis que la foule suivait de loin.
Les douze passèrent encore la nuit chez Celsus. Ce soir-là, dans le jardin, après qu'ils eurent diné et pris un peu de repos, ils se réunirent autour de Jésus, et Thomas dit : “ Maitre, ceux d'entre nous qui sont restés ici ignorent encore ce qui s'est passé sur la montagne et qui a si grandement encouragé nos frères qui t'accompagnaient. Mais nous désirons ardemment que tu nous parles de notre défaite et que tu nous instruises en ces matières, car nous voyons que les évènements survenus dans la montagne ne peuvent nous être révélés en ce moment. ”
Jésus répondit à Thomas en disant : “ Tout ce que vos frères ont entendu sur la montagne vous sera révélé en temps voulu. Je vais maintenant vous montrer la cause de votre échec dans votre tentative si mal avisée. Hier, pendant que votre Maitre et ses compagnons, vos frères, montaient là-bas sur la montagne pour rechercher une connaissance plus étendue de la volonté du Père et pour demander à être plus richement doués de sagesse afin d'exécuter efficacement cette volonté divine, vous restiez ici à veiller. Vous aviez reçu instruction de vous efforcer d'acquérir un mental spirituellement clairvoyant, et prier avec nous pour une révélation plus complète de la volonté du Père. Or, vous n'avez pas mis en oeuvre la foi qui était à vos ordres; au lieu de cela, vous avez cédé à la tentation; vous êtes retombés dans vos anciennes et pernicieuses tendances à rechercher pour vous-mêmes des postes de choix dans le royaume des cieux – que vous persistez à imaginer sous un aspect matériel et temporel. Vous vous attachez à ces conceptions erronées malgré mes déclarations réitérées que mon royaume n'est pas de ce monde.
À peine saisissez-vous, par la foi, l'identité du Fils de l'Homme, que votre désir égoïste d'une promotion terrestre s'insinue de nouveau en vous, et vous recommencez à discuter entre vous pour savoir qui sera le plus grand dans le royaume des cieux. Or, ce royaume n'existe pas et n'existera jamais sous la forme où vous le concevez. Ne vous ai-je pas dit que celui qui voudrait être le plus grand dans le royaume de la fraternité spirituelle de mon Père doit devenir peu de chose à ses propres yeux et devenir ainsi le serviteur de ses frères ? La grandeur spirituelle consiste en un amour compréhensif semblable à celui de Dieu, et non à jouir de l'exercice du pouvoir matériel pour l'exaltation du moi. Dans la tentative où vous avez subi un échec si total, votre dessein n'était pas pur. Votre mobile n'était pas divin. Votre idéal n'était pas spirituel. Votre ambition n'était pas altruiste. Votre manière de faire n'était pas fondée sur l'amour, et le but que vous vouliez atteindre n'était pas la volonté du Père qui est aux cieux. ”
“ Combien de temps vous faudra-t-il pour apprendre que l'on ne peut abréger le cours des phénomènes naturels établis, sauf quand de telles choses sont conformes à la volonté du Père ? On ne peut pas non plus accomplir une oeuvre spirituelle en l'absence de pouvoir spirituel. Même si ces possibilités sont potentiellement présentes, on ne peut les réaliser sans l'existence d'un troisième facteur humain essentiel, l'expérience personnelle de posséder une foi vivante. Faudra-t-il toujours que vous assistiez à des manifestations matérielles pour vous attirer vers les réalités spirituelles du royaume ? Ne pouvez-vous saisir la signification spirituelle de ma mission sans la démonstration visible d'oeuvres inhabituelles ? Quand pourra-t-on compter sur vous pour adhérer aux réalités spirituelles supérieures du royaume indépendamment de l'aspect extérieur de toute manifestation matérielle ? ”
En conclusion de l'expérience de cette journée, laissez-moi répéter à chacun de vous ce que j'ai dit à vos frères sur la montagne, et gravez profondément ces paroles dans votre coeur : le Fils de l'Homme entre maintenant dans la dernière phase de son effusion. Nous allons entreprendre les travaux qui conduiront bientôt à la grande épreuve finale de votre foi et de votre dévotion, quand je serai livré aux mains des êtres humains qui cherchent à me détruire. Rappelez-vous ce que je vous dis : “ Le Fils de l'Homme sera mis à mort, mais il ressuscitera. ”
Ils se retirèrent pour la nuit, pleins de tristesse. Ils étaient désemparés et ne pouvaient saisir le sens de ces paroles. Ils avaient peur de poser une question sur ce que Jésus avait dit, mais ils se souvinrent de tout après la résurrection.