Nous rentrions à la maison après une belle soirée avec des amis. Notre chat nous attendait devant l'entrée de notre jardin, silencieusement dans l'obscurité, avec ce que je croyais être alors une bouche béante, comme s'il était très assoifé.

Mais, non, ce garnement s'était simplement amoché la machoire inférieure, au point que sa gencive était décollée jusqu'au menton. « Oh Daniel, tu nous fais quoi aujourd'hui ? » Si, si, je vous entends vous plaindre de ma description...

Maintenant vous dire comment cela est arrivé, je n'en sais rien. Mais je soupçonne gravement le rouquin, un vieux chat qui ne supporte pas la classe de Dida.

Je me disais aussi qu'il n'avait pas l'air en bonne forme. Notre intelligent siamois nous en a déjà montré plusieurs de pas triste, mais à ce point là j'ai pensé sensibiliser Diana, ma compagne, au fait qu'il pourrait être probable que nous devions le faire piquer, afin de le soustraire à ses souffrances. D'annoncer une réalité tant brutale fit pleurer ma chérie...

C'est que l'on s'attache à ces petites bêtes, et à notre macho il lui manque plus que la parole. Mais alors, que m'avait-il pris de décider d'une séparation si radicale ? Le manque de sensibilité ? Mais non, je crois justement en avoir tout plein... La peur de voir souffrir ou le peu d'envie de se charger d'une difficulté ? Ni l'un ni l'autre, c'est tout simplement que j'ai une grande difficulté à imaginer l'apparition d'un problème, là sous mes yeux, et donc de faire monter suffisamment d'adrénaline pour y faire face. Je ne suis pourtant pas indifférent et encore moins lent d'esprit, mais je ne sais pas paniquer. Et ce n'est qu'un chat après tout, il doit avoir ses raisons de risquer sa vie.

Vous vous dites que j'ai dû user d'arguments sous les assauts critiques de mon épouse, déçue de me voir manquer de coeur ? C'est, heureusement pour moi, guère son style, continuant de pleurer discrètement sa douleur à l'idée de devoir se séparer d'un chat qui, au fond, sait exprimer beaucoup de sentiments. Je réalisais donc, bien que je le savais déjà, que j'avais une amie merveilleuse et que j'allais simplement la suivre selon sa demande : il faut sauver notre gatinho !

Les femmes savent aimer, et les êtres humains apprendraient l'amour, dit-on. Oui, peut-être bien, mais pas tout à fait. C'est quand même moi qui, le lendemain matin à la première heure, suis allé chercher notre voisin, un vétérinaire ayant abandonné son activité depuis deux ans. Grâce à lui, nous avons appris où se trouvait le plus proche hôpital universitaire vétérinaire de la région. Tiens, je fus quand même étonné de savoir que cela existe. Et c'est quand même moi qui ai organisé le transport et veillé à ce que nous résolvions le problème dans les plus brefs délais. Enfin, nous sommes rentrés à la maison dans l'après-midi, avec notre Dida sous anésthésie, la bouche recollée et le sentiment qu'il nous sourira à nouveau.

Effectivement, le surlendemain de l'accident, nous avions à nouveau un chat en pleine forme, mais qui conservait un décallage de 3 heures sur sa feuille de route, la durée de l'anésthésie, et ayant des comportements du matin alors que nous étions l'après-midi, tel que de contrôler si d'autres mâles menaçaient son territoire, alors que c'était l'heure de la sieste, ou encore de me demander à manger comme après une bonne nuit de diète, alors que nous étions en début de soirée. Mais bon, c'est qu'il est fier et solide notre félin.

Aujourd'hui, pour ceux qui sont fans de nos petites bêtes, je vous rassure, notre petit monstre a repris ses marques et nous fait à nouveau ses pattes contre les bois des portes. Il faut dire aussi que Diana, sa maman, est au petit soin pour les gestes post-opératoires, une chose que ce bon chat n'a pas l'air d'apprécier : solution buccale bactéricide et antibiotiques à ingurgiter.

Je ressors de cette courte expérience émotionnellement touché d'avoir pu un peu contribuer, d'une manière fluide, à soutenir l'évolution de mon chat, car j'espère qu'il poursuive avec nous le plus longtemps possible. À force de nous écouter invoquer le ciel sur terre, si lui n'y parvient pas, qui va donc bien pouvoir le faire ?

Si vous souhaitez avoir des nouvelles de Dida, vous pouvez lui écrire à son email dida07@emyaou.cat. Il se fera un grand plaisir de vous raconter qu'à présent il se balade fièrement avec sa nouvelle balafre, heureusement masquée par les poils de son menton. J'ai personnellement déjà vu une nouvelle petite chatte rôder près de la maison, l'air de rien...

« Dis, tu m'aimerais plus si j'avais une cicatrice au visage ?
– Amour, tu sais très bien que je préfère qu'il ne t'arrive aucun problème. » Le Chat

Pattes de velours,
Oeil de lynx,
Je suis le Chat.

Insistant toujours,
Quand mon petit estomac crie la faim.

Je suis beau,
Et je suis "macho",
Car toutes les chattes du quartier,
Roulent à mes pieds.

Je suis un chat siamois,
Qui croit au Radja des chats,
Et impose ma volonté,
À tous ceux qui veulent y résister.
Agnès